SANTÉ BEAUTÉ - Chronique nº 5 : Lettre à ma fille

Mon chaton,

Tu n’aimerais sans doute pas que je t’appelle comme ça, mais comme tu n’as pas encore été conçue, je me permets cette liberté.

Mon chaton,

Je t’imagine déjà, avec ton joli minois têtu, tes grands yeux à damner un jésuite, ton petit sourire mutin à démomifier un stalinien…

Je t’entends déjà, ronronner dans le creux de mon épaule, pour extirper ce « d’accord » que tu sais acquis d’avance. Même s’il est accompagné d’un sévère et ô combien inutile: « mais c’est la dernière fois ! »

Je ne te ferai pas l’offense de te dire « méfie-toi des garçons », parce que je sais très bien que ce sera aux garçons de se méfier.

Tu sais, c’est très con, un garçon. Ça prend des airs de James Bond, mais ça pleure en cachette en écrivant des poèmes. Et des poèmes, ils vont t’en écrire, les garçons. Puis ils iront se noyer avec des moins jolies que toi, qu’ils jetteront sitôt consommées, comme par vengeance imbécile.

Mon chaton,

J’aimerais avant tout te demander pardon pour le monde que tu vas trouver en arrivant.

Un monde de hurleurs et de bêlants. Qui cherchent à guérir leurs peurs en accumulant des billets verts. Et faire la chasse à tous ceux qui sont un peu différents.

Un monde de sales gosses qui cassent tout sur leur passage. Et pensent que la Terre est une glace au chocolat qu’ils peuvent sucer jusqu’au bâton.

Un monde où quelques princes se réservent l’exclusivité du bonheur, laissant au reste de l’humanité la joie de s’étriper pour un match de foot ou un baril de pétrole. Où l’ambition des mères est de trouver un nid douillet pour leurs filles, qui pourront à leur tour devenir mère, avant même que d’être femme. Où l’ambition des pères se résume souvent à vouloir trousser cette fausse blonde aux gros seins qui leur fait de l’œil en leur vendant des cigares.

Un monde, où par peur des femmes, les hommes ont pris le pouvoir et font tout pour le garder, comme de piètres dictateurs arabes. « On a tous quelque chose en nous de Kadhafi » pourraient-ils chanter en chœur.

Mon chaton,

Je vais avoir l’immense privilège de te regarder devenir une femme.

Regarder te transformer de petite fille espiègle en adolescente chieuse et ingrate. Puis, de jeune fille découvrant les caresses en femme magnifique et divine.

Oui, divine.

N’en déplaise à ceux qui croient encore que Dieu est un barbu misogyne. Ceux qui confondent mariage et esclavage. Et qui ont oublié que sans droits de la Femme, il n’y a pas de droits de l’Homme.

Mais promets-moi que tu ne feras pas comme toutes celles qui, en singeant les hommes, croient se libérer.

Tu ne ferais que changer de servitude.

Parce qu’enfin, où est la liberté dans un destin qui se résume à courir toute sa vie pour payer des factures ? Où est la liberté d’un homme qui a préféré abandonner en chemin tous ses rêves d’enfant pour devenir mâle procréateur ? Comme si les rêves devaient être inversement proportionnels au nombre de marmailles engendrées.

Mon chaton,

Promets moi de ne jamais oublier ton droit inaliénable au bonheur.

Je ne parle pas du bonheur-wonderbra. Ni du bonheur-fairyliquid. Ni celui des publicités, des salons ou des cuisines.

Le bonheur, le vrai, se résume à un seul mot : Être. Tout simplement.

Vivre ses rêves, même les plus fous, même les plus incroyables. Surtout les plus fous, surtout les plus incroyables.

Toujours oser. Aimer. Inventer.

Mais je dois te prévenir que ça ne va pas être facile.

Parce que tous ceux ou celles qui ont manqué leur train, vont s’échiner à te faire manquer le tien. Ils vont te parler de confort et d’épanouissement. Mais savent-ils que ce sont les plantes qui s’épanouissent, alors que les femmes, elles, s’accomplissent ?

Mais ne n’inquiète pas. Je serai toujours là, avec toi, sabre au poing.

On leur dira merde. On rira de leur médiocrité. Et on pleurera ensemble quand ton cœur aura rencontré quelque récif.

Et ensemble, on ira à la conquête du monde. Un monde selon toi. Le seul monde qui vaille vraiment la peine.


Publié dans "Santé Beauté" - Mars 2011