Ferial Killers


Hier, à la télé, on rendait hommage à Ferial Karim, la Zmerrod de mon enfance, icône télé des années 70, décédée en Juillet 88.

Vous souvenez-vous de Zmerrod ? Cette femme à la terrible dentition chevaline et à la chevelure abondamment bouclée, qui terrorisait son mari, Aziz el Salamanké, et lui flanquait des raclées à l’occasion.

Comme je riais de voir ce pauvre Aziz, éperdu d’amour et couvert de bleus, se prosterner aux pieds de sa douce et tendre. Paniqué à l'idée de se prendre une baffe, si la Zmerrod n’était pas comblée !

Dans un pays comme le Liban, où la femme est un citoyen de seconde zone, toujours dominée, souvent brimée, c’était un spectacle étonnant. Et détonnant.

Zmerrod était, à sa façon, un symbole féministe frappant, si j’ose dire. Et chaque claque donnée à son mari, c’était le machisme libanais qui se la prenait dans la gueule.

C’était il y a plus de trente ans. C’était avant la guerre. C’était pendant la guerre.

Où en est-on aujourd’hui ?

Les femmes des séries télé libanaises sont devenues des bimbos malheureuses, maltraitées par les hommes. Toujours la larme à l’œil et le collagène boudeur. Toujours à courir après le jeune beau mal rasé qui s’en fout, héritier d’une fortune aux origines douteuses. Mais prise au piège par le vieux salaud, vil et vicelard, qui l’a achetée à ses parents.

Quel cruel miroir de la réalité !

Parce qu’en trente ans, rien n’a changé dans les mentalités et dans les lois. Mais les femmes, elles, ont bien changées. Finies les Ferial Karim triomphantes, l’époque est maintenant aux Haifa Wehbé, ces courtisanes soumises, siliconées, botoxées, et complètement redessinées au scalpel.

L’époque est à l’opportunisme de la gent féminine libanaise. Pas un opportunisme guidé par un féroce et légitime besoin d’être l’égale de l’homme. Mais celui, nauséabond, d’être son meilleur investissement. Femme-objet de luxe, qui développe sa petite entreprise personnelle : son corps, désormais coté en bourse. Une époque où la seule question qu’un homme doit poser quand il va demander une fille en mariage est : « c’est combien ? »

« Mon bijou, mon droit » dit la publicité d’un joaillier local, montrant une femme désespérée, presque suicidaire, tant qu’elle n’a pas reçu son diamant ou son émeraude...

Ironie suprême, émeraude en arabe se dit « zmerrod ».

De la Zmerrod vénérée par un mari apeuré à la poupée gonflable qui se loue au plus offrant, triste et lamentable virage qu’a pris le Liban…

Mais qui en est responsable ? Les Libanais ? Non. Ils ont toujours été comme ça, cons comme des footballeurs, aussi progressistes que des gardes suisses.

Les Libanais, si vous creusez bien profond, vous y trouverez toujours un taliban qui sommeille. Partagé entre son désir primaire d’être le maître, sous le prétexte idiot qu’il a du poil aux couilles, et son fantasme prépubère d’être un grand séducteur, tombeur de playmates.

Alors qui ? Les Libanaises ?

Oui. Malheureusement.

Ces Libanaises qui ont oublié leur dignité la plus fondamentale, celle d’être des citoyennes à part entière. Qui dans leur grande majorité ne font rien pour obtenir le droit, pourtant basique, de transmettre leur nationalité à leurs enfants, par exemple. Ni pour faire adopter une loi bannissant à jamais la violence domestique, cette ignominie qui salit notre République.

Ces Libanaises qui s’en vont chasser le mari, le regard toujours vers le compte en banque du gibier à gourmette. Dont l’amour fluctue au gré des marchés financiers.

Ces Libanaises, ennemies des femmes.

Ferial Karim, magnifique émeraude nationale, doit en mourir chaque jour un peu plus...

Mesdames et mesdemoiselles, Libanaises d’aujourd’hui, vous êtes les pires des Ferial killers !


© Claude El Khal, 2011