Mea Culpa


Non mais pour qui je me prends ?

A traiter les Libanaises de conasses ? A dire que je n’aime pas les filles, et en parler comme si c’étaient des thons, des sardines et des crevettes ? A affirmer que les Libanaises sont la caricature des femmes, et les Libanais la caricature des cons ?

Et puis la cause des femmes, en quoi ça me regarde, hein ? Et la violence conjugale ? Je ne suis pas marié à ce que je sache. La vie privée des couples, ce n’est vraiment pas mon affaire. Quand bien même il y a parfois des torgnoles qui volent, des côtes qui se brisent sous les coups de pieds, des mâchoires qui se fracassent sous les coups de poings…

Les couples c’est comme ça, ça se dispute, puis ça se réconcilie.

Et puis c’est quoi ces façons d’emmerder le monde avec la sécurité sociale des vieux ? Qu’est ce qu’on en a à foutre de la sécurité sociale des vieux ? Est-ce que j’ai déjà rencontré des gens qui, le front plissé d’inquiétude, les yeux fiévreux d’indignation, m’ont pris au collet et hurlé : « t’as vu comme c’est scandaleux !!! Les vieux n’ont pas le droit à la sécu !!! Quelle honte !!! » ? Bien sûr que non.

Les gens, ça discute Blackberry et iPhone. Ça s’indigne des embouteillages, de la pluie, des voisins qui font du bruit alors qu’on essaye de faire dormir les gosses. Pas de la sécu des vieux.

Les vieux, s’ils avaient un peu de décence, ils débarrasseraient le plancher, laisseraient la place aux nouvelles générations. Déjà qu’on est 7 milliards dans le monde, on ne va pas en plus s’inquiéter pour les excédents périmés.

Et les pauvres ? C’est quoi cette obsession des pauvres ?

Victor Hugo, les Misérables et Gavroche, c’est fini tout ça. Maintenant c’est BHL, la Star’Ac et Justin Bieber. Il vaut vivre avec son temps. Jaurès, ça fait longtemps qu’il s’est fait refroidir. Et franchement, à part quelques bourgeois excentriques et accessoirement éméchés, qui chante encore l’Internationale ?

Et puis un mec qui gagne sa vie en réalisant des pubs pour des produits qui souvent ne servent à rien, et qui peut se permettre le luxe de rester des jours entiers à tapoter des conneries sur le clavier de son MacBook Pro, a-t-il le droit de jouer aux indignés ?

Un peu d'honnêteté, que diable !

Et un peu de modestie ! Quand je parle de « révolution intérieure », je ne me prendrais pas pour le Dalaï Lama, par hasard ? Moi qui ne suis même pas végétarien. Moi qui dévorerais une vache entière si personne ne me regardait. Moi qui me vautre dans le hommos et l’huile d’olive au lieu de me contenter d’eau et de pain sec.

Et ce langage de charretier ? Toutes ces grossièretés débitées à longueur de journée ? Ce manque de respect flagrant des convenances entre gens comme il faut ? Ma mère devrait avoir honte de moi.

Donc, mea culpa.

Mea culpa, mille fois. A genoux, le mécréant ! A l’auto-flagellation !

Mais je vous promets que je vais changer. A partir d’aujourd’hui, plus de gros mots. Plus de cons, de couilles, de bites. Plus de salopes, de pétasses, de conasses. Dorénavant pour dire « enculé », je dirai « gougnafier ». Pour dire « bordel de merde », je dirai « saperlipopette ».

Je ne m’indignerai plus que quand la télé me le dira. Et je ne le ferai que pour les causes à la mode. Et j’en changerai dès que la mode aura changé. Je serai un indigné in. Propre sur lui. Habillé par Hugo Boss et coiffé par Vidal Sassoon. Manifestant mon soutien aux opprimés de ce monde, en remuant mon arrière-train à Ibiza, une margarita à la main et une belle ingénue à mon bras.

Je ferai des courbettes aux puissants, donnerai des coups de pompes aux miséreux qui polluent nos villes, offrirai des branlettes gratuites aux publicitaires pour qu’ils me donnent du travail, ne ferai plus que des films qui sont jolis à voir, n’écrirai plus que de belles histoires sirupeuses, en fils naturel de Barbara Cartland et de Guy des Cars.

Et arrêterai de me mettre le monde entier sur le dos. A moins qu’il ne me le demande poliment. Et utilise un préservatif.

On n’est jamais trop prudent.



© Claude El Khal, 20011