Moustaki


Je les vois mais je ne les entends plus. 

Ils s’activent et s’invectivent, mais leurs injures ressemblent au silence. Un silence sourd, médiocre et meurtrier. Un silence plus assourdissant que toutes les cacophonies. Dans ce silence qui m’écrase, je crois deviner, au loin, une guitare. Quelques notes. Puis une voix. Qui s’approche et qui murmure. Qui me dit à l’oreille, doucement, tendrement : ne sois pas triste, sèche tes larmes, rassemble tes mots, et chante, chante avec moi. 



J’ai fermé les yeux et j’ai chanté. 



Ensemble nous avons fredonné l’amour de la longue dame brune, la solitude et la liberté, la révolution qu’on a tant rêvé, puis on a levé notre verre à tous les métèques du monde. 

Avant de disparaître, ses yeux ont brillé. Le sourire malicieux, il a chuchoté :
je ne suis pas mort, je suis encore là et je le resterais toujours, quand tu as aura besoin de moi, je viendrais chanter avec toi. 

En le regardant partir, j’aperçus dans la brume ses amis qui l’attendaient. Ils étaient tous là, Barbara, Ferrat, la môme Piaf, Reggiani et Brassens dont il avait emprunté le prénom. 

Ensemble, ils se sont envolé dans le ciel noir, laissant derrière eux ces quelques mots : la vie n’est qu’un passage mais les poètes sont éternels.

© Claude El Khal, 2013