Touche pas à mon pote ?


En France, l’antiracisme est roi. L’antiracisme est foi. L’antiracisme est loi.

Face à la montée inquiétante d’une extrême droite bien coiffée et bien habillée, dont les propos souvent nauséeux et les idées dangereusement approximatives sont aujourd’hui au centre du débat politique et du tissu sociétal français, l’antiracisme s’impose comme un indispensable bouclier.

Il est aujourd’hui l’unité de mesure de tout discours, de tout écrit, de toute expression, quelle que soit sa forme. Gare à celui ou celle qui dérape, les foudres médiatiques, politiques et parfois judiciaires n’en finiront pas de lui tomber dessus.

On en est même arrivé à épier les paroles des uns et des autres, à disséquer certaines phrases pour voir si on ne va pas y découvrir un dérapage caché, preuve d’une pensée nauséabonde qu’il va falloir dénoncer et punir.

Pourtant, quand on regarde la politique étrangère de la France, on voit paradoxalement le "Touche pas à mon pote" se transformer en "Touche toi mon pote".

Prenons les Arabes par exemple. On les aime amusants, rigolards, gentiment frisottés, lançant des vannes avec cet accent inimitable bien de chez eux qui rappelle les dernières vacances à Marrakech.

On les aime badass, tatoués, et chantant du Rap. On les aime lunetteux et grisonnants, pontifiants dans les salons de la culture subventionnée.


On les aime quand ils tiennent l’épicerie du coin, et gratifient d’un généreux et bienveillant sourire ceux qui trouvent qu’ils sont quand même un peu chers et qu’en ces temps de crise, ma bonne dame, ils exagèrent.

On les aime surtout quand ils sont riches et qu’ils font de gros chèques. A ceux là on vendrait père et mère. Tant pis s’ils viennent de monarchies théocratiques dont les valeurs sont à l’extrême opposé de celles de la République Française.

Mais les Arabes, chez eux, là c’est une autre affaire.

On soutient pendant des années des dictateurs infâmes qui écrasent impunément leurs peuples (Ben Ali, Saddam Hussein, Kadhafi, Assad père et fils, Hosni Moubarak, etc.) 

Puis quand nos intérêts changent on fomente puis nourrit contre eux des guerres qui déciment ces mêmes peuples (la Libye et la Syrie sont les exemples les plus frappants, si j’ose dire.)

Et quant on en vient à la Palestine, là c’est carrément le pompon. La récente position du gouvernement français au sujet de la guerre à Gaza en est la parfaite illustration : non content de soutenir un gouvernement israélien d’extrême droite aux méthodes d’une brutalité inouïe et de ne regretter les innombrables victimes palestiniennes que honteusement, du bout des lèvres, le gouvernement de François Hollande va jusqu’à interdire les manifestations pro-palestiniennes.

Le même François Hollande qui, invité à diner par monsieur et madame Netanyahu dans leur charmante demeure, déclarait il y a quelques mois son "amour pour Israël et ses dirigeants", dit aujourd’hui, parlant des manifestations pro-palestiniennes : "J'ai demandé au ministre de l'Intérieur que ces manifestations ne puissent pas se tenir".

Voyez-vous, on aime les Arabes quand ils servent d’outils promotionnels aux postures humanistes d’une gauche qui a trahi tous ses principes, et bien sûr pour la récolte des voix aux différentes élections. Pour ce qui est des riches émirs, on les chouchoute parce qu'ils peuvent être utiles à renflouer les caisses vides d’une France financièrement exsangue.

Mais les autres, les autres on s’en fout. Qu’ils se fassent massacrer de la façon la plus barbare n’a pas grande importance. Ce n’est pas ça qui va empêcher le gouvernement français de soutenir les islamistes en Libye, les jihadistes en Syrie et l’extrême droite en Israël.

C’est quoi être raciste sinon nier à certains groupes humains les droits qu’on revendique pour soi ? En agissant à leur encontre comme si les droits de l’homme ne les concernaient pas, que fait-on d’autre sinon les traiter comme des sous-hommes ?

A méditer sans modération. 


© Claude El Khal, 2014