La nausée à visage humain


Dénoncer le génocide à Gaza sur les réseaux sociaux les exaspère. Aux photos d’enfants palestiniens massacrés, ils préfèrent celles dont le massacreur est celui qu’ils haïssent. Ils ont l’humanisme sélectif et la compassion d’un jury de jeu télévisé. 

Critiquer Israël les met en boule, un peu comme si on insultait leur mère. Ou leur sœur. Ou les deux à la fois. Et s’ils ne peuvent exprimer leur colère en public, parce ça serait mal vu, ils choisissent de se taire et de regarder de haut les pauvres hordes indignées que nous sommes. 

Ils justifient Daech et ne peuvent soutenir l’Armée Libanaise que du bout des lèvres. En n’oubliant jamais leur petit "oui, mais". Ce "oui, mais" nauséabond, qui annonce les pires abdications.

Ils préfèrent taire les horreurs des ennemis de leurs ennemis, et se draper de mépris face au désarroi et à la souffrance de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Ils aiment accuser des pires vocables, entre l’entrée et le dessert, entre les rots satisfaits du bon bourgeois repus, les victimes qui n’ont pas eu la chance d’être labélisés comme tels par leurs bons soins.

Lors de la chute de la ville chrétienne de Maaloula en Syrie aux mains des jihadistes, ils ont salué la "libération de Maaloula". Face à ceux qui s’inquiétaient de la vague incontrôlée de réfugiés syriens, ils ont hurlé au racisme, au nazisme, les accusant de fomenter une "solution finale" à ce problème. Face au Noun imposé aux Chrétiens de Mossoul en Irak, comme jadis l’étoile jaune aux Juifs d’Europe, ils ont préféré prendre des poses laïques, et, le petit doigt levé, refusé avec dédain de brandir cette lettre en guise de solidarité. Comme si le Moyen Orient daechiste était un salon de thé parisien. Et que l’horreur était à la carte. 

Quand vous n’êtes pas d’accord avec eux, ils vous insultent, vous calomnient, rêvant sans doute du jour béni où ils pourront vous rééduquer dans les camps de la juste pensée. 

Ils sont de toutes les confessions et de toutes les mauvaises fois. Ils sont de tous les âges et de toutes les tailles. Ils sont les monstres tranquilles en polo Lacoste. Le terreau fertile sur lequel s’épanouira la peste brune à venir. 

Ils sont le visage satisfait de la nausée. Le caveau en cravate de notre humanité.


© Claude El Khal, 2014