Un roi et des roitelets

Le roi Abdallah d’Arabie est mort, paix à son âme. Il fut un souverain réformateur à la tête d’un royaume ultra-conservateur.

Les Saoudiennes le savent plus que les autres. Elles auraient sans doute préféré qu’il vive plus longtemps, qu’il aille au bout des réformes qu’il a entamées et qui leur ont accordé une place plus importante dans la société saoudienne. Des réformes qui les ont un peu, si peu, libérées de l’oppression d’une société rigoriste et patriarcale. Elles doivent sans doute aujourd’hui porter un deuil plus profond et plus sincère que tous ces hommages de chefs d’Etats et de satrapes à travers le monde. La plupart se moquant éperdument du sort des femmes en Arabie, ne voyant du royaume wahhabite que ses généreux distributeurs de dollars.

Que dire des larmes de crocodiles que versent beaucoup de responsables libanais, les valises déjà prêtes, pressés d’aller prêter allégeance au nouveau roi.

Que dire du Liban officiel qui décrète trois jours de deuil pour un monarque étranger mais ne le fait pas pour ses géants : Wadih el Safi, Sabah ou Saïd Akl, ni pour ses soldats tombés à Esral, à Tripoli, et aujourd'hui encore à Ras Baalbeck, ou si tard, sous la pression populaire, pour certains de ces héros assassinés comme le général François el Hajj.

Il est triste de voir à quel point le Liban ne reconnaît pas ses fils et ses filles, et continue à se poser en client, sinon en obligé de nations étrangères. Il est triste de voir que le Liban ne salue véritablement ses talents que lorsque le khawaga, comme disent les égyptiens, leur a apporté sa caution. Il est triste de voir que le Liban n’honore ses héros que lorsque les Libanais grognent et se fâchent.

Jamais le roi Abdallah n’aurait accepté pareils affronts à son peuple. Les petits roitelets libanais feraient bien de suivre son exemple au lieu de jouer aux pleureuses professionnelles.



© Claude El Khal, 2015