Le Che président !


La France va mal, très mal. Tellement mal que Marine Le Pen est en route vers l’Elysée.

Selon un sondage publié par l’hebdomadaire Marianne, la présidente du Front National serait en tête des intentions de vote du premier tour de la prochaine élection présidentielle en 2017, largement devant Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Nicolas Sarkozy et François Hollande, ah ces deux là, l’un à droite, l’autre à gauche, ensemble responsables de cette montée fulgurante de l’extrême droite. Responsables aussi de la montée de l’intégrisme islamiste. L’un brandissant le karcher et l’autre une peluche, ils n’ont rien fait pour endiguer le profond malaise et la profonde division de la société française. Bien au contraire, ils les ont aggravés. Communautarisme, laïcité à la carte, cadeaux à la finance, la liste est longue. Deux présidents qui ont brillé par leur médiocrité, leur manque de vision, sans parler de leur mépris du peuple français. Est-il aussi besoin de rappeler leur politique internationale criminelle qui, en Libye et en Syrie, a fait le jeu du jihadisme international ?

Ces deux-là seraient de bien piètres adversaires face à une Marine Le Pen survitaminée, d’une redoutable intelligence politique, sachant surfer avec talent sur tous les sujets qui inquiètent les français, récoltant chaque jour de plus en plus de voix parmi ceux qui sont lassés, sinon dégoutés, par le traditionnel clivage gauche-droite.

Alors qui ? Alain Juppé ? C’est Hollande en un peu plus intelligent. Manuel Valls ? C’est Sarkozy en un peu plus droit dans ses bottes. François Bayrou, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon ? Soyons sérieux.

La France a besoin aujourd’hui, plus que jamais, d’un homme providentiel. Elle a besoin d’un de Gaulle, d’un Clémenceau, d’un Jaurès.

Cet homme providentiel existe, bien qu’il se défendrait passionnément d’en être un  –signe sans doute des grands hommes, tellement à l’opposé de ces petits égomanes qui gouvernent la France depuis déjà trop longtemps.

Cet homme c’est Jean-Pierre Chevènement, que beaucoup appellent avec tendresse "le Che".

Jean-Pierre Chevènement c’est l’homme du "un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne". Il a d’ailleurs démissionné trois fois !

"Je n'ai pas quitté le gouvernement sur un choix mineur, ou des questions de susceptibilité, dira-t-il à propos de sa démission du gouvernement Mauroy en 1983, mais sur des questions majeures. L'accrochage du franc au mark allait déterminer toute la politique ultérieure de libéralisation. J'ai démissionné une seconde fois pour protester contre la première guerre du Golfe en 1991. Je n'y reviens pas. On en voit aujourd'hui les résultats. Le Califat islamiste, c'est la conséquence de cette première guerre du Golfe, redoublée par une seconde, qui a détruit l'Irak, alors qu'on pouvait éviter cette guerre, je vous le certifie. J'ai démissionné la troisième fois à propos de la question corse. Transférer le pouvoir réglementaire aux régions, c'est revenir à l'Ancien régime, où on changeait de loi plus souvent que de cheval, comme disait Voltaire en traversant la France ! Cela devient un pays éclaté, ce n'est plus la République."

Pourtant Jean-Pierre Chevènement est loin d’être un démissionnaire. Plus de cinquante ans d'engagement politique au service de la France le prouvent. Mais l'homme est conséquent avec lui-même et avec ses idées, a contrario de l’écrasante majorité de la classe politique française, spécialiste des retournements de veste, docteurs ès mensonges et renoncements.

"J'ai consacré, l'essentiel de mon temps à l'action politique, a-t-il déclaré en octobre dernier sur France 3, mais une politique qui ne se séparait pas du combat des idées, par conséquent aussi à la lecture, à la réflexion. Je pense être resté fidèle à cette conception très ancienne de la politique, où on ne sépare son engagement politique d'une vision du monde. C'est un engagement de l'être tout entier au service de ses concitoyens, de son pays."

Le Che sait de quoi il parle. Cofondateur du Parti Socialiste et fondateur du Mouvement des Citoyens, il fut plusieurs fois ministres (de l’Intérieur, de la Défense, de la Recherche et de l’Industrie), maire, député, sénateur… Il est aujourd’hui vice-président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il est également l’auteur de plusieurs livres, dont le dernier, "L’Europe sortie de l’Histoire" est devenu un ouvrage de référence.

L’homme est un visionnaire et un réaliste, un fils de Jaurès aux accents gaulliens : "La République a besoin d'un nouveau programme du Conseil national de la Résistance (CNR) pour résorber les fractures de notre société", écrit-il dans une tribune publiée par Marianne.

Et de continuer : "la refondation républicaine (…) sera de longue haleine. C'est une immense révolution intellectuelle et morale qu'il faut conduire. L'unité nationale qui s'est manifestée le 11 janvier sera fondatrice si le gouvernement parle clair et juste en tous domaines et s'il appelle la France à l'exigence et à l'effort. Le monde dans lequel nous sommes entrés est difficile. Il ne nous fait et ne nous fera pas de cadeaux (…) Le peuple français n'attend que cela. Il a déjà rendu à la France ce qui lui faisait le plus défaut : la fierté. La France, nation suprêmement politique, peut encore, si nous le voulons, montrer le chemin à une Europe et à un monde qui ont besoin d'être éclairés par les valeurs que la République représente."

Doté d'un humour féroce, il publia en 1997 un "Bêtisier de Masstrich", reprenant toutes les âneries qu'ont pu dire ou écrire journalistes et politiques, dont cette perle affligeante de l'ancien premier ministre Michel Rocard : "Ce qui n'était pas prévu c'est que les peuples refusent ce que leur proposent leurs gouvernements".

Jean-Pierre Chevènement a eu raison sur l'Europe, il a eu raison sur l'Irak et sur la politique étrangère en général, il a eu raison sur les causes et les conséquences de l'échec de l'intégration, il a eu raison sur les causes et les conséquences de la décomposition du tissu social et républicain. Il a eu raison alors que les autres, tous les autres, ont eu tort. Il a eu raison alors que les autres, tous les autres, se sont lamentablement trompés, entrainant la France vers une pente qui semble inexorable. N'est-il pas temps d'adopter les remèdes et les solutions qu'il continue inlassablement de proposer ? N'est-il pas temps d'élire le Che à la présidence de la République ?

Si vous voulez battre Marine Le Pen en 2017, que vous soyez de gauche, de droite ou du centre, il va falloir expliquer aux Hollande, Sarkozy, Valls ou autre Juppé qu’il est grand temps qu’ils rentrent chez eux et arrêtent les dégâts. Il va aussi falloir convaincre Jean-Pierre Chevènement d’être votre candidat unique. Et ça, ce n’est pas une mince affaire. Il est, paraît-il, très têtu le bougre. 


© Claude El Khal, 2015