Le jour des cons est arrivé

Vous êtes con ? Ne le cachez plus, clamez-le, criez-le, la tête haute et le torse bombé. Sortez vos pancartes et vos drapeaux. Descendez dans la rue et brandissez votre connerie avec fierté.

Cons de tous les pays, l’heure est venue de faire votre coming out. Et de réclamer haut et fort la place qui est la vôtre. Car il est grand temps que vous le sachiez : vous êtes la majorité absolue. Si vous formez un parti politique, il sera le plus grand et le plus puissant parti du monde. En réalité, vous êtes déjà aux commandes de la destinée du genre humain.

Vous ne me croyez pas ?

Regardez l’Amérique. N’a-t-elle pas prouvé, avec le fiston Bush, que le dernier des cons pouvait devenir l’homme le plus puissant du monde ? Ne l’a-t-elle pas encore prouvé avec Obama, à qui on a donné un prix Nobel de la paix, alors qu’il venait tout juste d’être élu et n’avait encore rien fait ? Un peu comme si on avait décerné l’Oscar du meilleur film à un long-métrage qui n’avait pas encore été tourné. Vous l’avez bien compris, en vous prenant pour des cons, ils vous ont apprécié à votre juste valeur.

Mais il n’y a pas que l’Amérique. Il y aussi le reste du monde. Prenez l’Europe. Les pays qui la composent prétendent ne prendre aucune décision majeure sans faire appel à la vox populi. Pour adopter l’Euro comme monnaie unique, par exemple. Mais quand le vote du populi n’a pas donné le résultat espéré et qu’il a dit non, il a fallu recommencer. Voter, revoter, rerevoter. Jusqu’à ce que le oui l’emporte. Là non plus, n’allez pas dire qu’on ne vous a pas pris pour les fabuleux cons que vous êtes.

Le Liban n’est d’ailleurs pas en reste. Il est même la nation phare de la connerie universelle. On y est con de père en fils et de frère en cousin. C’est bien plus qu’une tradition, c’est un système parfaitement huilé, un exemple à suivre pour les cons du monde entier. On nait, on grandi et on se marie entre cons. On cultive sa connerie. On l’érige en doctrine. Plus on est con plus on grimpe dans l’estime de ses concitoyens. Avec le confessionnalisme, on y a même fondé un régime dont le nom comporte le mot con. Il fallait quand même oser.

"Et le singe devint con", écrivait François Cavanna, fondateur d’Hara-Kiri et de Charlie Hebdo. Il pensait faire un bon mot, le père Cavanna. Mais sans le savoir il avait mis le doigt sur la plus grande révélation de ces deux derniers siècles : Le con est le summum de la création, l’apothéose de l’évolution. Aujourd’hui, son heure de gloire est arrivée. Une ère nouvelle où on peut dire les pires imbécilités et être applaudi. Où on peut écrire toutes sortes d’âneries et voir avec délectation la multitude hennir de concert.

Une ère où on peut enfin dire avec respect à son voisin "Vous êtes un con, monsieur" et l'entendre fièrement répondre "Et vous, vous en êtes un autre".


© Claude El Khal
 

Une première version de ce texte a été publiée dans Chroniques de Beyrouth et d’ailleurs (éditions Noir sur Blanc)