"Mieux vaut être terroriste que pédé"

Les Libanais, malgré leurs désaccord sur presque tout, semblent s’entendre sur une chose : la torture doit être strictement interdite et les contrevenants sévèrement punis. Pourtant…

Quand la vidéo du passage à tabac de prisonniers islamistes – dont de nombreux terroristes – a fait le tour des réseaux sociaux, le Liban entier s’est indigné. Ministres et députés sont montés au créneau. Des foules en colère sont descendues dans la rue. Des routes ont été coupées. Des pneus ont été brulés. Des drapeaux ont été brandis. Des conférences de presse ont été tenues. La démission du ministre de l’Intérieur a été exigée. Un changement de tutelle des prisons d’un ministère à un autre a été réclamé. Des religieux ont invoqués Dieu. Des politiques ont évoqués les droits de l’homme. Tout le monde a été scandalisé. Le tollé a été assourdissant. L’émotion immense. La République avait retrouvé son honneur.

Mais...

Quand la nouvelle des trois semaines d’incarcération et de torture de deux jeunes gays a été connue, le Liban a regardé ailleurs. Aucun ministre, aucun député n’est monté au créneau. Aucune foule n’est descendue dans la rue. Aucune route n’a été coupée. Aucun pneu n’a été brulé. Aucun drapeau n’a été brandi. Aucune conférence de presse n’a été tenue. Aucune démission n’a été exigée. Pas un seul religieux n’a invoqué Dieu. Pas un seul politique n’a évoqué les droits de l’homme. Pas de tollé assourdissant. Pas d’émotion intense. L’honneur retrouvé de la République avait soudainement disparu.

C’est à croire qu’au Liban l’amour de deux hommes est un crime de loin plus grave que le transport d’explosifs, que la préparation d’attentats ou que le meurtre de civils et de militaires. C’est à croire que si on interrogeait les Libanais sur la question, on entendrait une majorité dire : "Mieux vaut être terroriste que pédé".


© Claude El Khal, 2015