Paris-Beyrouth : la compassion à géométrie variable

"24 heures avant Paris, l’Etat islamique autoproclamé frappait Beyrouth, sans susciter la même solidarité internationale avec les victimes. De quoi s’interroger sur les raisons de ces perceptions différentes, écrit Pierre Haski, cofondateur de Rue 89."

"Beyrouth-Paris, même souffrance ? demande Haski. 24 heures avant Paris, l’Etat islamique autoproclamé a frappé à Beyrouth, plus précisément dans le quartier chiite de Borj el-Barajneh, faisant 43 morts et 239 blessés. C’est l’attentat le plus sanglant dans la capitale libanaise depuis plus de vingt ans.

"Mais cette attaque n’a pas suscité la même émotion que les attaques de Paris par les mêmes auteurs, 24 heures plus tard, note-t-il. Pas de monuments illuminés avec un cèdre, pas de photo de profil barrées de noir sur les réseaux sociaux, pas de veillées à la bougie aux quatre coins du monde.

"Très vite, de surcroît, l’attentat de Beyrouth a été occulté par les événements de Paris, sans précédent par leur ampleur et le modus operandi, terrifiants par la froideur de leur exécution.

"Il aura fallu que quelques personnes s’en émeuvent pour que commence à apparaître le lien entre deux capitales endeuillées : Paris-Beyrouth, même souffrance. D’abord des Libanais, mais aussi des célébrités comme Angelina Jolie, qui a posté sur ses différents comptes un appel à ne pas oublier le Liban : "Alors que tout le monde parle de Paris, personne ne mentionne l’attaque de l’Etat islamique contre le Liban. Je prie pour les deux pays."

"Pourquoi cette différence de traitement ?

"Tout le monde, de San Francisco à Sydney en passant par Varsovie, peut s’identifier à un jeune Parisien présent à un concert de rock, se souvenir qu’il est allé ou rêve d’aller en vacances à Paris ; personne ne s’identifiera avec l’habitant d’un quartier chiite de Beyrouth (donc "pro-Hezbollah"...), même si c’est un jeune du même âge pas très différent de la victime parisienne...", conclut Pierre Haski.