L’effroyable silence du monde


"Bagdad: un attentat suicide fait 30 morts". "Triple attentat au Yémen, au moins 22 morts". Voilà les titres de la presse d’hier. Pourtant le monde est resté silencieux. Pas un mot, pas une larme, pas un "je suis".

On se souvient tous des effusions après les attentats à Bruxelles. Rien de plus normal, bien sûr. Comment ne pas être solidaire quand une tragédie frappe une ville, un peuple, des gens comme vous et moi ? Comment ne pas exprimer sa colère quand quelques ordures fanatisées plongent la Belgique ou la France dans l’horreur et le sang ?

Mais pourquoi ce qui s’applique à Bruxelles et Paris (entre autres), ne s’applique pas à Bagdad et Aden ? Où sont donc passés les télévisions, les éditorialistes, les dessinateurs ? Que sont devenues les pleureuses des réseaux sociaux ? Leurs glandes lacrymales se sont-elles soudain desséchées ? Et les leaders du monde civilisés, si prompt aux jolis messages tout pleins d’émotions, où ont-ils disparus ?

Où est la bande à Padamalgame ? Où sont-ils tous ceux qui nous expliquent que le racisme c’est pas bon ça ma bonne dame, c’est caca le racisme, c’est une bête immonde avec du poil aux pattes ? A moins que l’antiracisme ne soit finalement réservé qu’aux Arabes bien de chez nous. Ceux qui votent et peuvent éventuellement faire basculer certaines majorités. Ou bien n’est-ce qu’un slogan, concocté par des communicants, destiné à donner bonne conscience à la gôche larmoyante (tendance crocodile) et mauvaise conscience aux salauds, forcément réactionnaires ?

Est-il besoin de poser la même question à propos des Libanais, surtout leur fange francophone, qui n’en fini pas de geindre et de chialer dès que le terrorisme touche un pays d’Europe (ou n’importe quel pays "comme il faut") ? Faut-il comprendre que l’Irak et le Yémen, c’est pas très chic comme pays ? C’est vrai qu’on n’y a pas mangé des frites et puis des moules, des moules et puis des frites, et du vin de Moselle. On n’y a pas fait du shopping, on n’a jamais gloussé aux terrasses de leurs cafés, on n’est jamais écrié "yiii tu es là ?" en y croisant des cousins.

Pourtant, c’est partout le même coupable qui commet ces attentats. Daech. Mais voilà, quand ce sont des Arabes qui meurent, tout le monde s’en fout. Surtout s’ils meurent dans leurs pays. Ces pays que le monde s’est ingénié à détruire.

Dans ces pays-là, après le fracas des explosions, après les cris des blessés, après les sirènes des ambulances, après les pleurs des familles des victimes, il ne reste que le silence, l’effroyable silence du monde.


© Claude El Khal, 2016