Je ne voterai jamais pour Manuel Valls


Je ne voterai jamais pour Manuel Valls, parce que je suis de gauche, parce que je suis jaurésien, parce que je ne considère pas la justice sociale et l’égalité des chances comme de simples slogans scandés pour se faire élire, parce que je n’aime pas les discours malhonnêtes qui changent au gré des élections.

Parce que je ne pense pas qu’il y ait une France d’en bas, une France d’en haut et une France d’entre les deux. Parce qu’il n’existe pas pour moi de petites gens et de grandes gens. Parce que je crois en la personne humaine, égale de toutes les autres. Parce que je sais que chaque homme, chaque femme, chaque citoyen, chaque citoyenne, si il ou elle en a l’opportunité, peut s’accomplir et en cela élever la France, toute la France.

Parce que j’en ai assez qu’on célèbre nos différences au lieu de fêter notre humanité et notre citoyenneté communes. Parce que ce qui nous unit est de loin plus important que ce qui nous sépare. Parce que je sais où les différences peuvent mener, jusqu’où le communautarisme et l’exaltation des particularismes peuvent conduire. Je l’ai vu, je l’ai vécu au Liban. Un Liban qui s’est déchiré et qui n’arrive toujours pas à se ressouder ni même à vraiment se concevoir comme une nation une et indivisible.

Parce que je crois que le peuple, ce mot que tant de socialistes d’hier et d’aujourd’hui prononcent en faisant une moue dédaigneuse et en se bouchant légèrement les narines, que le peuple est et devrait toujours rester la source de tous les pouvoirs et l’objet de tous les respects. Parce que je crois qu’un président, un Premier ministre et un ministre sont avant tout des public servants, les serviteurs du peuple français et non ses maîtres.

Parce que je crois en la liberté, et je crois que cette liberté ne peut véritablement s'exprimer si elle est tronquée au nom d’une sécurité factice, trop souvent préfabriquée. Parce que je ne crois pas en la pensée unique, la pensée ne peut être que multiple si elle veut s'enrichir et s’épanouir. Parce que je ne divise pas le monde entre le Bien et le Mal mais entre le juste et l’injuste. Parce que je n’aime pas qu’on me dise quoi penser et quoi dire, qui aimer et qui haïr, je préfère arriver à mes propres conclusions et que ces conclusions soient aussi respectées que celles des autres.

Parce que je veux que la France arrête de mener des guerres coloniales inutiles et meurtrières, et qu’elle arrête de soutenir les pires fondamentalismes qui sont l’antinomie absolue de tout ce qu'elle représente. Parce que je ne veux plus d’une politique de deux poids deux mesures : antiracisme chez soi, racisme abject chez les autres, pourfendre certaines dictatures, s'acoquiner avec certaines autres, défendre les droits de l’homme et de la femme chez les uns, fermer les yeux ou regarder de l'autre côté chez les autres.

Parce que je ne veux pas que la France soit le toutou de l’Otan ou de qui que ce soit d’autre. Parce que la France n’est pas obéissante, parce qu’elle est profondément, fondamentalement indépendante et rebelle. Parce qu’elle est une grande nation, une grande démocratie et une belle République qui peut à nouveau rayonner sur le monde. Un monde qui s’obscurcit à vue d’œil et qui aurait bien besoin de ses Lumières.


© Claude El Khal, 2016