Non, 2017 n’a pas encore commencé


J’ai décidé de me rebeller contre le calendrier officiel et décrète aujourd’hui que 2017 n’a pas encore commencé.

Parce que je refuse que la nouvelle année soit née d’une tragédie aussi innommable qu’injustifiable, des souffrances inqualifiables qu’elle a suscitées, de l’ambiance de haine qu’elle a engrangée et qui règne partout depuis quelques jours.

Je refuse qu’elle soit née d’un viol. Celui de l’espoir en des jours meilleurs que des hommes et des femmes, des garçons et des filles, célébraient dans une boite de nuit d’Istanbul.

Je refuse qu’elle soit née d’un vol. D’un pillage. Brutal et meurtrier. Qui a fauché des destins qui n’avaient pas encore eu le temps de s’accomplir. Qui a dérobé des vies qui ne demandaient qu’à s’épanouir.

Je refuse qu’elle soit née d’un glas. D’une sonnerie de téléphone annonciatrice de terribles nouvelles. D’une voix solennelle, embarrassée et compatissante, qui peine à trouver les mots pour dire à des parents, à des amis, que ceux qu’ils aiment et attendent ne reviendront pas.

Je refuse que ce soit un monstre qui ait ouvert le bal et décidé sur quelle musique nous devions danser. Le son morbide d’une mitraillette, les cris des victimes, les hurlements des sirènes, le silence terrifiant qui a suivi, ne seront pas les premières notes, les premières mesures, de la nouvelle année.

Non, le début de cette nouvelle année ne sera pas dicté par Daech et par ceux qui se cachent derrière. Elle ne sera pas non plus dictée par ces salauds, ces petits haineux, aux vies minuscules, qui ont déversé leur venin sur les réseaux sociaux et insulté la mémoire des victime, au nom de je ne sais quel principe mortifère.

2017 ne commencera qu’après la fin du deuil. Quand la vie reprendra ses droits. Quand les larmes s’effaceront au profit des souvenirs heureux. Quand, dans les cœurs de celles et ceux qui les aiment, la douleur insoutenable fera place à la gratitude d’avoir un jour côtoyé Rita Chami, Elias Wardini, Haykal Moussallem et tous les autres, quels que soient leur nom ou les pays qui les ont vu naître.

2017 devrait être une année en leur honneur. Et en l’honneur de la vie. Cette vie qu’ils ont aimée et célébrée jusqu’à leur dernier souffle.


© Claude El Khal, 2016