L’Annonce faite à Maryam


Il y a, comme ça, des fêtes religieuses qui unissent les hommes, surtout en ces temps de haine et de méfiance réciproques. La fête de l’Annonciation est de celles-là. Elle est autant célébrée par les chrétiens que par les musulmans.

Pour ceux qui ne connaissent pas, l’Annonciation c’est quand l’ange Gabriel annonça à Marie qu’elle allait porter en son sein le Messie tant attendu. Beaucoup en Occident pensent à tort que cette fête est exclusivement chrétienne, alors qu’elle est l’un des fondamentaux de l’Islam.

Dans la troisième sourate du Coran (Sourat Al-Imrân – du nom de la famille de Marie), il est écrit : "(Rappelle-toi) quand les Anges dirent : Ô Marie, voilà qu'Allah t'annonce une parole de Sa part : son nom sera le Messie, Jésus fils de Marie – el-Massi7, Issa Ibn Maryam – illustre ici-bas comme dans l'au-delà, et l'un des rapprochés d'Allah." (Coran 3:45)

L’événement est également relaté dans la dix-neuvième sourate du livre saint musulman (Sourat Maryam) : "Nous lui avons envoyé notre Esprit. Il se présenta devant elle sous la forme d’un homme parfait (il s’agit ici de Jibril – l’ange Gabriel). Elle dit : Je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux, si toutefois tu crains Dieu! Il dit : Je ne suis que l’envoyé de ton Seigneur pour te donner un garçon pur. Elle dit : Comment aurais-je un garçon? Aucun mortel ne m’a jamais touchée et je ne suis pas une femme de mauvaises moeurs." Il dit : C’est ainsi, Ton Seigneur a dit : Cela m’est facile. Nous ferons de lui un Signe pour les hommes."  (Coran 19:17-21)

Cet évènement majeure des fois chrétienne et musulmane est célébré aujourd’hui dans de nombreux pays. J’aimerai, à cette occasion, reprendre ici des extraits d’un texte, que j’ai publié il y près d’un an, intitulé "Je vous salue Maryam, mère des chrétiens et élue d’Allah":

À l'heure où le terrorisme islamiste frappe au hasard les uns et les autres, on nous reparle du choc des civilisations. Du monde judéo-chrétien qui serait en guerre contre le monde musulman. Ou inversement. La civilisation des uns face à celle des autres.

C’est pourquoi il est important, essentiel même, de rappeler que le Christianisme et l’Islam ont beaucoup plus en commun que leurs fidèles respectifs ne le pensent. Marie, la mère de Jésus, en est l’exemple le plus lumineux.

Marie – Maryam en arabe – est un figure fondamentale autant du Christianisme que de l’Islam. Pour les chrétiens comme pour les musulmans, elle est la mère du Messie – el-Massi7 en arabe – dont la naissance virginale est contée dans le Nouveau Testament et dans le Coran.

Elle est sans doute la femme la plus importante de la tradition islamique : "Ô Marie, certes Allah t'a élue au-dessus des femmes de la création" (Coran 3:42). D’ailleurs quand Jésus est mentionné dans le Coran, il ne l'est pas toujours par son prénom Issa ou par son titre el-Massi7, mais comme Ibn Maryam – fils de Marie : "Et Nous fîmes du fils de Marie ainsi que de sa mère, un prodige." (Coran 23:50, 21:91)

Al-Azraqi, historien mécquois du 9ème siècle, auteur du "Livre des Chroniques de la Mecque" – Kitab Akhbar Makka al-Musharrafa – rapporte qu'après la prise de la ville par l'armée musulmane, quand le prophète Mohammad ordonna de purifier la Kaaba des idoles, il protégea de sa main un portrait de Marie et de Jésus : "Effacez toutes les peintures de ce mur, sauf celle-ci."

J’appelle aujourd’hui les fidèles de deux religions à célébrer l’Annonciation dans le lieu de culte de l’autre. J’appelle les chrétiens à aller prier dans une mosquée, et les musulmans dans une église. Pas de ces sorties médiatiques bien sûr, qui sont souvent hypocrites et démagogiques, où on se montre ouvert et tolérant pendant quelques minutes, avant de se refermer dès que les caméras sont parties. Mais une expérience personnelle, intime.

Aller à l’église ou à la mosquée du coin. Surtout ne pas cacher sa différence, son ignorance. Surtout ne pas prétendre. Et encore moins avoir peur de commettre une bévue. Se déclarer, dire aux fidèles présents : je suis chrétien, je suis musulman, je suis chrétienne, je suis musulmane, et je suis venu prier avec vous.


© Claude El Khal, 2017