Au Liban, pays de tous les contrastes, 37 kilomètres séparent la guerre et la fête


Pendant que les combats contre les terroristes de Deach et Nosra faisaient rage dans le jurd d’Ersal, un concert d’Ibrahim Maalouf illuminait de mille feux le ciel de Baalbek, 37 kilomètres plus loin. C’est ça le Liban, pays de tous les contrastes et de toutes les contradictions.

"La réalité a deux visages", écrivait Amin Maalouf. Rien ne l’a mieux illustré que le weekend qui vient de se terminer au pays des cèdres. Les internautes libanais ne s’y sont pas trompé en partageant ce mème tellement surréaliste qu’il est difficile à croire.


Pourtant c'est vrai. Un peu plus de 37 kilomètres séparent Ersal de Baalbek. 52 minutes en voiture, nous dit Google Maps. Trois kilomètres de plus que la distance qui sépare le centre de Paris de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle.


La bataille pour la reconquête du jurd d’Ersal, près de la frontière libano-syrienne, occupé par Daech et Nosra depuis plus de trois ans, a commencé il y a quelques jours. Les combats sont violents, sans merci, et ont déjà coûté la vie à une vingtaine de combattants libanais et à plus d'une centaine de terroristes.




37 kilomètres plus loin, sous les colonnes romaines du temple de Bacchus à Baalbek, Ibrahim Maalouf, trompettiste de génie, électrisait une foule conquise. C’était magique, féerique, inoubliable. Les commentaires enthousiastes n'ont pas manqué sur les réseaux sociaux pour décrire ce concert bachique.




Alors que les fêtards rentraient chez eux, repus et heureux, encore enivrés de musique, des familles éplorées enterraient leurs morts. Voilà le Liban. La vie et la mort conjugués. Eros et Thanatos colocataires d’un petit bout de terre deux fois moins grand que la Bretagne.

Sous la plume de Daniel Defoe, on peut lire dans Les aventures de Robinson Crusoé : "Nous ne voyons notre position sous un jour vrai, tant qu'elle n'est pas éclairée par les contrastes". Ceux-ci nous renseignent un peu sur la place symbolique du Liban dans le monde. 

C'est un pays message, affirment les uns. Peut-être. Mais il est certainement un pays laboratoire. Où le pire et le meilleur, le terrible et l'exaltant, la joie et la peine, la guerre et la fête, se côtoient, se marient, et forment un tout paradoxal mais indivisible. Un pays qui ressemble étrangement au Yin & Yang de la condition humaine. 


© Claude El Khal, 2017