L’émotion contenue de Hassan Nasrallah


Je ne retiens, ce soir, du long discours de Hassan Nasrallah que les dix dernières minutes où l’homme s’est adressé avec une émotion difficilement contenue aux combattants dont il a charge et à leurs familles.

Ces dix dernières minutes, profondément humaines, sont suffisantes pour comprendre le dévouement et la loyauté des combattants et des partisans du Hezbollah envers leur chef.





Je n’ai vu une telle intimité avec ses troupes et ses gens chez aucun autre leader libanais. Il est l’un d’eux et il est chacun d’entre eux. Le lien qui les unit va au delà des convictions idéologiques ou religieuses. Ou même de l’appartenance à telle ou telle tribu, secte ou confession.

Ce lien est familial, filial, fraternel. Il est organique. Pour les uns il est un père, pour les autres un fils ou un frère. Pour tous, il est la meilleure version d’eux-mêmes.

A l’inverse de la plupart des leaders libanais qui, coupés de leurs gens et de la réalité, s’imaginent être des demi-dieux et vivent dans une Olympe faite de palais et de dollars.

Leur relation avec leurs partisans et sympathisants est souvent celle du prince envers son vassal, méprisante et intéressée. Quand ils ne parlent pas pour ne rien dire, ils mentent aux bonnes âmes qui les suivent, et profitent de leur popularité pour satisfaire leurs ambitions personnelles.

Hassan Nasrallah est à la tête de la plus puissante et plus structurée formation politique libanaise et d’une branche armée d’une envergure régionale. C’est un chef autant politique, militaire que religieux. Sa popularité au sein et en dehors de sa communauté est immense. Son influence est sans précédent dans l’histoire du Liban.

Quel autre leader libanais tient en haleine les dirigeants, généraux et médias de plusieurs nations, amies et ennemies, à chacune de ses adresses publiques?

Il aurait très facilement pu profiter de ce pouvoir considérable pour s’enrichir, pour propulser sa famille au rang d’aristocrates et vivre comme un négus. Qui aurait pu l’arrêter?

Mais l’homme vit chichement, presque clandestinement, et n’a que faire des honneurs pompeux des officines du pouvoir et des salons mondains. Son fils aîné ne lui succédera pas, il est mort au combat comme un simple soldat.

Les hommes qui se battent sous son commandement, les autres qui restent à la maison, qui les attendent et trop souvent les pleurent, savent que le Sayyed se bat, attend et pleure avec eux.

Ma culture et philosophie politique, laïque, anticléricale, antimilitariste et libertaire, très attachée à la souveraineté sans concession du Liban et au rejet de toute interférence extérieure dans les affaires libanaises, fait de moi un adversaire du Hezbollah et de son affiliation à la Wilayat el Faqih iranienne.

Mais je ne peux, en toute honnêteté, ne pas reconnaître la grande valeur de l’homme et ne pas respecter son engagement et le lien profondément humain qu’il a réussi à tisser avec les siens.

Quant aux jeunes combattants qui se sont sacrifiés pour débarrasser le Liban du fléau takfiriste, je ne peux qu’exprimer ma profonde gratitude et partager l’émotion contenue de Hassan Nasrallah.


© Claude El Khal, 2017