Il ne faut jamais s’habituer au terrorisme


Barcelone. 16 morts, des dizaines de blessés. Les chaines d’info en continu parlent beaucoup mais ne disent rien. Les réseaux sociaux se remplissent de bougies et de larmes virtuelles. Les mêmes que celles pour Paris, Nice, Bruxelles, Londres, Manchester et toutes les villes ensanglantées par le terrorisme. En Europe ou ailleurs.

Ces bougies et ces larmes virtuelles sont devenues un réflexe, presque une habitude. A chaque attentat, les mêmes images, le même pathos, les mêmes bons sentiments. Les mêmes peurs aussi. Des peurs qui font désormais partie de nos vies. Bientôt elles feront partie de notre être. Indissociables de qui nous sommes. A la vue d’une voiture, d’un voile, d’une barbe, d’une peau légèrement basanée, d’une chevelure un peu trop frisée.

Il ne faut jamais s’habituer au terrorisme. S’habituer c’est accepter. Et le terrorisme n’est en aucun cas acceptable. Il doit être combattu, inlassablement, partout où il se trouve. Partout où il pourrait se trouver. Ses parrains, tout comme ses instruments, doivent être pourchassés, arrêtés, neutralisés, d’une façon ou d’une autre. Les largesses et les cadeaux de ses argentiers doivent être refusés, nettement, clairement, sans ambages et sans chichis. Ces gens-là sont des salauds, des assassins par procuration. Qui s’acoquine avec eux ne vaut pas mieux qu’eux.

S’habituer c’est banaliser. Un meurtre n’est jamais banal. La disparition soudaine, brutale, violente, d’un être cher ne peut pas, ne doit pas, faire partie de l’ordinaire. Comme c’est le cas pour la Syrie, ou l’Irak, ou la Libye, ou tant d’autres pays. Qui pleure encore pour ces pays-là? Qui allume encore des bougies pour ces hommes, ces femmes et ces enfants que les jihadistes y assassinent? Ne sont-ils pas relégués aux dernières pages des nouvelles du soir? Ne sont-ils plus que de vagues statistiques dont personne ne se souvient?

S’habituer c’est devenir peu à peu indifférent. Indifférent aux autres et à soi. Indifférent à notre besoin fondamental, à notre droit inaliénable, d’aller et de venir librement. De sortir de chez nous sans craindre qu'une voiture-bélier vienne nous faucher. C’est devenir indifférent aux principes de liberté et de tolérance. A ceux du vivre ensemble. Quel vivre ensemble est possible quand la peur et la méfiance font partie de notre quotidien?

S’habituer c’est aussi et surtout se soumettre. Se soumettre à ceux qui nous tuent ou qui veulent nous tuer. Simplement parce que nous ne sommes pas comme eux, parce que nous ne pensons pas comme eux, parce que nous ne croyons pas aux mêmes choses qu’eux. C’est se soumettre à la terreur qu’ils veulent incruster en chacun de nous. C’est leur donner la preuve qu’ils ont réussi. C’est les encourager à continuer.

S’habituer au terrorisme c’est le déclarer vainqueur, c’est nous déclarer vaincus. Et aucun état d’urgence, aucune mesure sécuritaire, aucun étalage de force ne changera en rien notre défaite. Une défaite annoncée si nous ne nous réveillons pas et exigeons de nos dirigeants de fermer les robinets qui arrosent le jihadisme, d’assécher les sources qui l’irriguent. Ces sources sont connues, est-il encore besoin de les nommer?

Quand un attentat a lieu quelque part, aussi loin que soit ce quelque part, il arrive en bas de chez nous. Les terroristes ne font pas la différence entre Bagdad et Barcelone, pourquoi devrions-nous? Le jour où nous verrons chaque victime comme un parent ou un ami, le jour où nous serons tous solidaires avec ceux qui se battent les armes à la main contre les jihadistes, sera le jour où nous pourrons commencer à espérer vaincre le terrorisme.


© Claude El Khal, 2017