Politically (pas si) Correct


On me reproche de trop taper sur les Libanais. Avec acharnement. Acharnement thérapeutique, disent les mauvaises langues.

C’est vrai, j’avoue, mea culpa.

Mais bon, à ma décharge, des Libanais je n’ai que ça autour de moi, ou presque. Et des bâtons pour se faire battre, ils en distribuent au porte-à-porte. Puis quand ça ne suffit pas, ils organisent des distributions publiques à grands renforts de pétarades, klaxons, injures et marteaux piqueurs.

Et puis je suis libanais, j’ai donc tous les droits de taper, autant que je veux, sur mes concitoyens –souvent plus cons que citoyens. Sinon à quoi ça sert d’être d’ici ? Juste à se faire arnaquer du réveil au coucher ? Et payer, payer, payer, jusqu’à ce que misère s’ensuive ?

Mais soyons juste, il n’a pas que des tares, le Libanais.

Qui d’autre vous offre le peu qu’il a pour vous faire plaisir ? Qui d’autre vous sert une table de roi alors qu’il n’a pas de quoi finir le mois ? Qui d’autre vous accueille dans sa boulangerie s’exclamant, tout sourire, « bienvenue mes yeux » et vous dit au revoir en vous appelant « mon cœur » ?

Surement pas les boulangères parisiennes ! « Qu’est-ce qu’il veut le monsieur ? » nasillardent-elles, les lèvres blanches et le sourire crispé, presque effrayant. Limite serial killer tendance white trash.

Pendant qu’on y est, parlons-en des Parisiens. Complètement bouchés du pot d’échappement, en sérieuse carence de laxatifs, jamais contents, toujours râleurs. On dirait qu’ils ont besoin d’être malheureux pour être heureux.

« Comment ça va aujourd’hui ? » « Comme un lundi », « Comment c’était les vacances ? » « Trop courtes », « Et le travail ? » « M’en parlez pas, je suis oveurboukède ».

Ils ne savent pas grand-chose sur grand-chose mais ont un avis sur tout. Ils sont convaincus d’être de libres esprits, tout en récitant les leçons du 20 heures de TF1. Ils critiquent le monde entier mais ne font rien pour ne plus se faire entuber par leurs nantis. Et ne se mettent en grève que pour réclamer les miettes du festin.

Une pub télé disait : « le Parisien, il vaut mieux l’avoir en journal ». Il y a parfois une grande sagesse dans certains spots de 30 secondes.

Les Chypriotes, eux, sont des Parisiens-Plus. Extra caféine, extra calories, extra désagréables.

Les Chypriotes version hellènes bien sûr. Les autres, les envahisseurs venus des steppes d’Asie Mineure, sont de loin plus aimables, les salauds. Essayez donc d’entrer dans une épicerie et d’acheter du haloumi à un Chypriote occupé à ne rien faire. Vous subiriez les foudres de Zeus, le tonnerre de Brest et l’Apocalypse de Saint Jean.

« Comment oses-tu me déranger en plein effort de rien, toi le sagouin, l’étranger, le malaka ! » dirait ce fils de l’Olympe, s’il ne préférait pas grogner dans la langue imbécile du con universel.

Quand je vivais à Chypres, sur ma carte de séjour, il y avait écrit en gros et gras: « Alien ». C’est vous dire.

Pour bien rappeler l’universalité de l’espèce, n’en déplaise aux chantres du clash des civilisations et autres crétins poliment racistes, regardons un peu du côté des grands maîtres du genre, les Big Kahuna du faire-la-gueule, les empereurs du tire-la-tronche : les Chinois.

Je ne suis jamais allé en Chine, mais des Chinois j’en ai croisé, à Londres, à Paris, à Singapour, en Malaisie, partout. Et partout c’est la même affiche : « Ici on ne sourit pas », avec écrit en dessous en jolis caractères exotiques : « mais on peut vous engueuler si vous insistez. »

« Si tu ne sais pas sourire, n'ouvre pas boutique » dit pourtant un proverbe chinois.

Ah bon ?

Et sur les Anglo-Saxons qui confondent la vérité et Fox News, Jésus et Terminator –In War we trust, est-il vraiment utile de s’étendre ?

Et les Arabes ? Alors là, il ne vaut mieux pas que je commence avec les Arabes ! Surtout ceux qui viennent se vider les bourses de par chez nous. Ceux qui s’invitent à acheter nos terres et tout ce qui vit dessus.

Par contre, vous n’entendrez rien sur les Egyptiens, les Tunisiens, les Syriens et les autres qui, aujourd’hui, redonnent ses lettres de noblesse à l’humanité. Pour eux, un seul mot un seul : merci.

Bref, je pourrais continuer longtemps à faire le tour du monde de la connerie humaine. Il faut dire qu’elle est vaste, la garce. Dans mille ans j’y serais encore. Je halte là, et retourne à mes Libanais.

Et s’ils veulent que j’arrête de leur taper dessus, il faudrait qu’ils arrêtent de me donner des raisons de le faire.

Mais, avouez-le, on s’emmerderait un peu.


© Claude El Khal, 2011