Awakening


Ça y est !

Le miracle tant attendu, tant espéré, tant rêvé, s’est enfin accompli.

Les Libanais, ayant réalisé qu’on les prenait pour des cons, descendent en masse dans la rue. Ils crient leur indignation face au manque d’électricité, d’eau courante et d’eau potable.

Face aux criminels qui confondent alimentation variée et nourriture avariée, médicaments et poison, constructions et destruction.

Face aux promoteurs véreux. Face à l’affairisme. Face à la corruption généralisée. Face à la médiocrité, la bêtise et le racisme. Face à l’injure quotidienne faite aux femmes, aux vieux, et aux plus démunis.

Ils se réveillent d’un long sommeil qui a duré plusieurs générations.

Et aujourd’hui, ils s’insurgent.

Ils s’insurgent contre des inégalités de plus en plus scandaleuses. Contre l’argent qui s’étale de façon obscène alors que la majorité de la population s’appauvrit à vue d’œil.

Contre ce confessionnalisme qui les divise pour mieux les asservir.

Ils sont là, Chiites, Sunnites, Druzes, Maronites, Grecs Orthodoxes, et tous les autres. Ils viennent de partout, du Nord, du Sud, de la Bekaa, des banlieues, des villages et des villes. Hommes et femmes. Jeunes et vieux. Riches et pauvres. Main dans la main. Portés par une même foi. Parlant d’une même voix. Brandissant le même drapeau rouge, vert et blanc.

On voit même des siliconées balancer leurs Louboutin sur les devantures des magasins de luxe. Et des poilus jeter leurs cigares.

C’est une véritable révolution.

Devant un tel tsunami, les politiques ont un sursaut. Leur conscience aussi se réveille. Ils admettent les torts qu’ils ont causés à la République. Puis démissionnent, les uns après les autres. Certains vont même jusqu’à rendre à l'État tout l’argent qu’ils ont volé.

On annonce l’avènement d’un Liban nouveau. Basé sur le mérite, le talent et l’excellence. Un Liban qui sait cultiver ses richesses et fructifier ses trésors.

On décrète même la destruction de tout immeuble, centre balnéaire ou commercial, qui pollue le paysage. Et l’élimination pure et simple des montagnes d’ordures qui parsèment le littoral.

La foule dans la rue est en liesse. Les gens s’enlacent et s’embrassent.

Soudain, un bruit strident.

Une sirène infernale, insupportable, qui n’en finit pas de remplir l’espace. Les hommes, les femmes et les enfants se bouchent les oreilles. Puis, les yeux remplis d'effroi, se désintègrent et disparaissent dans un nuage de poussière.

J’ouvre les yeux.

Je tends la main et écrase le réveil. Le silence revient.

Je regarde autour de moi. Un rayon de soleil naissant éclaire timidement le calendrier. Ah oui, je comprends maintenant.

On est le 1er Avril.


© Claude El Khal, 2012