Vertueuse République


C’est bien connu, le Liban est une république exemplaire et vertueuse.

Le pays ne connaît aucune corruption, aucun de ses leaders politiques n’est un criminel de guerre, et aucun gouvernant n’a volé l’argent public.

Il n’y a jamais eu de montagnes d’ordures parsemées sur son territoire, le littoral n’est en aucune façon irrémédiablement souillé, et on a jamais eu à souffrir de nourritures avariées, jamais eu à voir ses rivières polluées changer de couleur, jamais eu à pleurer devant des carrières de pierres qui défigurent ses monts, ses vallées et ses forets.

Personne ne possède d’armes automatiques et de lances roquettes, donc personne ne s’en sert. Personne non plus ne détruit les vestiges archéologiques de la capitale. Le pays ne connaît aucun cas de racisme ou de xénophobie. Aucune employée de maison étrangère n’y a été tuée ou ne s’y est suicidée.

Et surtout, le pays n’est pas une célèbre destination du tourisme sexuel, aucune de ses stars ne s’est prostituée, aucun hôtel de luxe n’est en réalité un hôtel de passe.

Alors forcément, dans une république si exemplaire et si vertueuse, un petit cinéma porno de quartier et des hommes qui se tripotent dans le noir, est une chose extrêmement choquante et les coupables d’une telle scandaleuse dépravation doivent être sévèrement punis.

Mais comme notre vertu exemplaire nous empêche de punir des innocents, il est indispensable de les séparer des coupables –qui sait, peut-être sont-ils entré dans ce cinéma par erreur, pensant y voir le dernier Stallone, ou bien voulaient-ils simplement demander leur chemin…

Pour reconnaître les innocents des coupables, un test très simple, et somme toute amusant –nous ne somme pas des barbares après tout : on introduit un œuf dans l’orifice anal des suspects.

Si le suspect est un abominable sodomite, il y prendra du plaisir. Mais s’il est innocent, il hurlera de douleur.

Donc tous ceux qui hurleront de douleur seront libérés sur-le-champ. Et tous les abominables sodomites subiront l'impitoyable châtiment qu’ils méritent.

Pour que notre république demeure ce qu’elle a toujours été : un phare de vertu pour le monde entier.


© Claude El Khal, 2012