Pensées en vrac (2)


1- Liban, résumé des épisodes précédents : 
Le parlement se réunit pour reconduire son mandat puis ne se réunit plus pour légiférer, le gouvernement démissionne sans espoir qu’un autre puisse se former, tout le monde critique tout le monde au sujet de l’afflux de réfugiés syriens mais personne ne fait rien, tout le monde veut se dissocier de la crise syrienne tout en voulant s’en mêler, les gens s’appauvrissent à vue d’œil et leur pouvoir d’achat est en chute libre mais la nouvelle Porsche vient d’arriver, comme chaque année après l’été la première pluie transforme les routes en fleuves, les responsables sont irresponsables et ne s’occupent que de leurs poches, et les Libanais se font toujours baiser sans piper mot. Bref, vous n’avez rien raté. 


2- En géographie, en politique, comme au quotidien, que la vie serait belle au Liban sans voisins.


3- Si les Libanais avaient un peu de savoir-vivre, tous les matins avant de sortir du lit et tous les soirs avant de se coucher, ils remercieraient la France pour la création du Grand Liban, pays confessionnellement ingouvernable, et pour le système confessionnel qui le régit, un système qui rend tout progrès impossible. Vraiment, quels goujats et quels ingrats ces Libanais !


4- Les Libanais m’amusent quand ils critiquent l’éducation à l’occidentale, sous prétexte qu’elle n’enseigne pas les vraies valeurs. Il faut avouer qu’on est stupéfait par le fruit de l’éducation à la libanaise : des générations entières élevées dans le respect de l’autre, de l’environnement, sans haine, sans sectarisme, sans racisme, sans mensonges ou hypocrisies. On en voit partout les preuves autour de nous. Des filles qui ne se prennent pas pour des princesses ou qui ne se vendent pas au plus offrant, des garçons qui ne vivent pas chez leur mère jusqu’à leur mariage, qui ne pensent pas que les femmes sont des marchandises qu’on achète, que la virilité ne se résume pas à une voiture, à un cigare ou à un portefeuille plein de liasses. Des rues propres, une circulation ordonnée, une culture florissante et une beauté sans fard et sans silicone. Des citoyens qui ont compris ce que citoyenneté veut vraiment dire. Qui n’acceptent pas la corruption et surtout qui n’érigent pas des voleurs et des criminels en héros. Vive les vraies valeurs de l’éducation à la libanaise, elle a fait du Liban ce qu’il est aujourd’hui : le plus beau pays du monde, avec le peuple le plus intelligent, le plus cultivé, le plus créatif, le plus agréable de la planète. Amen.


5- Talk shows politiques au Liban:
L'invité dit une grosse connerie. Épaté, le journaliste s'exclame: "ufff".
Encouragé, l'invité dit une autre connerie, encore plus grosse que la précédente. Salivant, le journaliste s'exclame de plus belle: "ufff ufff".
N'y tenant plus, l'invité s'élance et lâche une énormissime connerie, saupoudrée d'appels à la haine confessionnelle. Béat, le journaliste s'extasie: "ufff ufff ufff".
Conclusion: jovial, le journaliste remercie chaleureusement l'invité se félicitant d'avoir reçu une personnalité si remarquable, un patriote si distingué et un "ami si cher".


6- Quand j’entend un avion survoler Beyrouth, une seule phrase me vient à l’esprit : “Vol au dessus d’un nid de concons”.


7- Hier dans l’ascenseur, deux filles et un mec. L’une des filles regarde le mec et dit à voix haute avec un air aguicheur : “chou ra7 tjeblé chi tayeb lyom ?” (qu’est-ce tu vas m’apporter de bon aujourd’hui ?) Le mec gêné, baisse les yeux et sort de l’ascenseur. Quand les portes se referment, la fille regarde sa copine et dit moqueuse : “dès que je lui envoie un message lui disant que j’ai mal à la tête ou que je suis déprimée, haram, il court tout de suite et va m’acheter un chocolat”. Et la copine de répondre : “haram, le pauvre”.
Ah les Libanaises…



© Claude El Khal, 2013