Estekrad

Estekrad. Au Liban, on le connait bien ce mot. "Ma testakredné", dit-on, ce qui veut dire "ne me prends pas pour un con", mais dont le sens véritable est : "ne me traite pas comme un kurde".

Kurde, kerdé, est une insulte au Liban. Si vous traitez quelqu’un de kerdé, attendez vous à vous prendre un coup de poing dans la gueule, ou un coup de revolver, c’est selon.

Ces libanais, insupportables dans leur prétention, dans leur suffisance imbécile, aiment à se croire supérieurs aux autres peuples du monde. Surtout les plus pauvres.

Ils se pavanent, fiers de leur cèdre, dont les fôrets se réduisent comme peau de chagrin. Fiers de leur hommos et leur taboulé, qui leur sont volés par l’industrie alimentaire israélienne sans qu’ils ne bougent le petit doigt. Fiers de leur Liban, gangréné par la corruption, dévoré par l’affairisme, le racisme et la bêtise, rongé par l’hypocrisie, le snobisme et le m’as-tu-vu.


Même pas foutus d’élire un président. Même pas foutus de déloger des parlementaires qui s’accrochent à leurs sièges et auto-prorogent leur mandat comme autant de petits dictateurs. Même pas foutus de défendre leurs droits les plus élémentaires. Même pas foutus de soutenir leur armée, trop occupés à se gargariser du passage d’une chanteuse locale dans une émission française de télé-crochet.

Ah ces kurdes, ces akrad, qu’ils méprisent tant, regardez-les se battre et refouler les hordes daechistes en Irak et en Syrie. Regardez ces femmes, magnifiques de courage, qui terrorisent tant les jihadistes. Ça nous change de nos greluches, obsédées par l’aérodynamisme de leur cul, le moelleux de leurs lèvres, la rondeur de leurs tétons et le portefeuille de leur mari.

Alors soyez gentils mesdames et messieurs, stakerdouné autant que vous voulez, c’est le plus beau compliment que vous puissiez me faire.



© Claude El Khal, 2015

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