Avec le temps

“Avec le temps va, tout s’en va”, chantait Léo Ferré. On voit bien qu’il ne vivait pas au Liban.

Parce qu’au Liban avec le temps va, rien ne va, rien ne bouge, rien ne change : ni ceux qui nous gouvernent, ni la façon dont ils nous gouvernent.

Avec le temps va, tout reste : les mêmes problèmes, les mêmes discours, les mêmes mensonges, les mêmes querelles, les mêmes divisions, les mêmes ordures.

Les mêmes nostalgies, les mêmes snobismes, les mêmes hypocrisies, les mêmes médiocrités, les mêmes erreurs, les mêmes errements.

Le même consentement soumis d’une population qui râle beaucoup mais ne fait pas grand-chose. Qui adore faire beaucoup de bruit pour se faire remarquer mais qui ne se distingue que par son silence.

Une population qui subit, qui accepte, qui continue à faire comme si de rien n’était. Et qui, pour mettre du fard sur son égo, utilise des mots comme résistance et résilience pour parler de sa résignation et de sa soumission.

Avec le temps va, rien ne va, sauf peut-être celles et ceux qui sont un peu différents, et qui finissent un jour ou l’autre par faire leurs valises.

Des valises lourdes d’espoirs déçus et de rêves abandonnés. Des valises pleines d’un Liban idéalisé, un Liban libre et libéré.

Beau comme une chanson de Léo Ferré.


© Claude El Khal, 2015