Être ou ne plus être Charlie


Il est triste de voir le nombre grandissant de personnes qui, après la publication de tel ou tel dessin, déclarent ne plus être Charlie, alors qu’elles n’ont visiblement pas compris ce que 'je suis Charlie' veut dire.

'Je suis Charlie' ne veut pas dire 'je suis d’accord avec Charlie' ou 'j’aime Charlie' ou encore 'Charlie ne me choque pas'. Ça ne veut pas dire non plus 'je souscris à tout ce Charlie publie' ou 'je ne trouve pas qu’il pousse un peu parfois'.

Je suis Charlie veut dire 'je suis pour la liberté d’expression', qui ce terrible 7 janvier 2015 a pris le nom de l’hebdo martyr.

Défendre la liberté d’expression ne se résume pas à défendre les propos avec lesquels on est d’accord. Ni ceux avec lesquels on est en désaccord light, sans gluten et sans calories.

Défendre la liberté d’expression c’est avant tout défendre les propos, les idées ainsi que toute forme d’expression, qu’elle soit artistique, politique, idéologique ou religieuse avec lesquels on est en profond désaccord. Qui énervent et souvent rebutent ou dégoûtent.

Du moment bien sûr qu’elles ne contiennent pas des appels à la haine de l’autre et à la violence.

'Je ne suis plus Charlie', par contre, sous-entend 'je ne suis pas pour la liberté d’expression', je suis pour un monde qui me ressemble et me rassure, et qui de temps de temps me titille les zygomatiques ou me tire des indignations guindées et des larmes bien élevées.

Un monde où on ronfle, on ronronne et peut-être grogne un peu, mais toujours entre gens comme il faut. Un monde aseptisé, formaté et effroyablement aveugle.

Un bien triste monde en vérité.


© Claude El Khal, 2016

Dessin d'Emmanuel Chaunu