Enfin une loi criminalisant le harcèlement sexuel soumise au vote du Parlement


Le Parlement libanais, réuni en séances plénières aujourd’hui et demain, ne va pas adopter, comme promis, une nouvelle loi électorale. Par contre, une loi criminalisant le harcèlement sexuel et raciste va être soumise au vote. Enfin ! Il était grand temps.

Le harcèlement sexuel est monnaie courante au Liban. Le harcèlement raciste aussi. Les mâles qui reluquent les rondeurs de leurs employées, qui n’hésitent pas à balader leurs mains là où ils ne devraient pas, ou qui font des propositions scabreuses et insistantes, sont souvent les mêmes qui maltraitent les travailleurs étrangers. Surtout ceux venus de pays pauvres, dont la peau n’a pas bruni au soleil d’une plage à la mode ou d’une station de ski huppée.

Il y aussi ces marâtres qui prennent plaisir à humilier en public et en privé leur employée de maison, et parfois celle des autres. Sans parler des jeunes cops aux hormones frétillantes et des vieux boucs à la libido finissante qui se permettent les pires insinuations à l’encontre des filles et des femmes qui ont la malencontreuse idée de croiser leur chemin. Et quand ces filles ou ces femmes viennent d’Asie ou d’Afrique, ces insinuations sont encore plus salaces et plus désobligeantes.

Le projet de loi criminalisant le harcèlement sexuel et raciste présenté par le député Ghassan Moukheiber va enfin mettre fin à l’impunité dont jouissent les harceleurs en tous genres – s’il est bien évidemment adopté par le Parlement et non repoussé sine die en commission, comme c’est parfois le cas.

Texte intégral du projet de loi
Source : Ghassan Moukheiber / Parlement libanais

Que dit ce projet de loi ?

Toute personne – dans une sphère publique ou privée, dans le cadre d'une profession libérale ou d'une administration publique, quelle soit civile ou militaire – qui aurait d’une manière évidente, soutenue ou répétée, prononcé des paroles ou fait des insinuations à caractère sexuel ou raciste est passible d’une peine de 3 mois à un an de prison, et d’une amende pouvant s’élever à dix fois le salaire minimum. Les peines encourues seront aggravées si le harcèlement est commis contre des mineurs ou des personnes handicapées.

De plus, si un employeur venait à commettre un acte de harcèlement contre l’un ou l’une de ses employés, cet acte sera, outre les peines et amendes précitées, considéré comme une faute professionnelle grave, ouvrant la voie à des indemnités similaires à celles applicables en cas de démission ou de licenciement. Et nul employé ne pourra faire l’objet de sanctions disciplinaires directes ou indirectes si il ou elle venait à déposer plainte pour harcèlement.

C'est une première au Liban et un énorme pas en avant dans la lutte contre le racisme et pour la criminalisation des différentes formes de violence faites aux femmes. Il serait dommage qu'un tel projet de loi passe inaperçu, occulté par les débats et les disputes de l'heure, et soit peut-être discrètement reporté aux calendes grecques. En parler, c'est lui donner plus de chances d'exister.

Si nous sommes exclus des débats parlementaires, nous pouvons, en faisant entendre notre voix sur les réseaux sociaux ou ailleurs, peser sur les décisions que peuvent prendre les députés. En leur rappelant que dans quelques mois, nous allons nous aussi voter, et que notre vote pourrait dépendre de l'adoption d'une telle loi.

Mise à jour : vendredi 20 janvier

Le projet de loi aurait été soutenu par de nombreux députés dont ceux du très conservateur et très masculin Hezbollah, alors que le ministre des droits de la femme – un homme ! – aurait émis de fortes réserves. Ce qui a repoussé l'adoption de la loi à la prochaine séance plénière du Parlement, après son éventuelle révision par le gouvernement.



Le député Ghassan Moukheiber a exprimé sa déception sur les réseaux sociaux. "Je poursuivrai sans faille" a t-il par ailleurs déclaré, "mais c'est déjà très bien que le principe de criminaliser le harcèlement sexuel et raciste ait été accepté."

À suivre. 


© Claude El Khal, 2017