Attentat effroyable en Somalie, plus de 500 victimes, et tout le monde s’en fout


"Les images sont effroyables, écrit Le Figaro, plus de 270 personnes ont été tuées et 300 blessées samedi après l'explosion d'un camion dans le centre de la capitale du pays, Mogadiscio". Mais bien entendu, tout le monde s’en fout.

Il y a comme ça des pays, des continents entiers, où la mort de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants n’intéresse personne. Leurs noms ne défileront pas sur les écrans des chaînes d’infos en continu, les larmes des uns et des autres, d’habitude réservées aux victimes comme il faut, ne couleront pas pour les habitants de Mogadiscio, et la Tour Eiffel ne s’illuminera pas aux couleurs de la Somalie.

Voilà le destin des pauvres de ce monde, êtres humains, pays et continents. Que sont-ils finalement aux yeux des nantis? Des chiffres, des statistiques, des gisements de matières premières ou, dans le meilleur des cas, des destinations touristiques, des toiles de fond exotiques aux seflies des vacanciers?

"C'est l'explosion d'un camion garé devant un hôtel dans un quartier fréquenté de la capitale (…) qui abrite bâtiments officiels, hôtels et restaurants, qui a fait des dizaines de morts, écrit encore Le Figaro. (…) Les images envoyées par les agences montrent un paysage de destruction effroyable. Deux heures plus tard environ, un second véhicule a explosé dans le quartier de Medina (…) Le président Farmajo a décrété un deuil national de trois jours, après cet attentat considéré par les Somaliens comme le pire de l'histoire de leur pays."

Photos : Farah Abdi Warsameh / AP - Mohammad Abdiwahad / AFP - Feisal Omar / Reuters

Si un tel attentat, à Dieu ne plaise comme on dit au Liban, avait eu lieu dans une ville glamour, l’effroi aurait été mondial. Des capitales entières auraient porté le deuil. Des internautes chics se seraient répandus en pathos larmoyants. La toile aurait été en berne.

Bien sûr, les présidents et premiers ministres des pays cravatés y ont été de leur déclaration. L’un a tweeté et l’autre s’est fendu d’une tirade de circonstance. L’Afrique est une pompe à fric, vous comprenez – pardonnez-moi ce jeu de mot facile. Alors on fait semblant. On affiche tristesse et solidarité. L’œil sur les contrats juteux présents et à venir.

Peu importe si la Somalie a sombré dans le chaos, il y a déjà plusieurs décennies, à cause de la politique irresponsable de puissances étrangères. Peu importe si les Somaliens meurent par centaines, par milliers, par dizaines de millers depuis trop longtemps. Peu importe si les salauds qui ont commis ces attentats sont financés par les pays amis de ceux qui feignent aujourd’hui le chagrin. Des pays qui sucrent autant les politiciens occidentaux que les jihadistes d’Afrique et du monde entier. Des pays que les médias de l’Axe du Bien continuent d’appeler "modérés".

Le mépris de l’autre, du plus faible, du plus démuni, du plus fragile, est un mal universel. L’hypocrisie des puissants en est un autre. La Somalie a encore une fois prouvé, à ses dépends, cette triste et lamentable réalité d’un monde moralisateur mais dépourvu de tout sens moral.


© Claude El Khal, 2017