Pourquoi Netanyahu veut la guerre

Photo : Jack Guez / AFP / Getty Images

En février dernier, j’avais expliqué sur le plateau du Média pourquoi Netanyahu avait besoin d’une guerre et quelles pourraient être les conséquences militaires pour Israël si cette guerre avait lieu. Depuis hier soir, depuis que des missiles ont pris pour cible des positions israéliennes dans le Golan syrien occupé en réponse aux nombreux bombardement israéliens sur la Syrie, tout porte à croire que cette guerre a commencé.





Accusé de corruption par les chefs de la police israélienne, isolé sur la scène internationale depuis que Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, et de plus en plus impopulaire auprès de sa propre population, Benjamin Netanyahu a besoin d’une guerre. Seule une guerre pourrait reculer l’échéance de son inculpation pour corruption, seule une guerre pourrait attirer à nouveau la sympathie et le soutien de la communauté internationale, seule une guerre pourrait faire taire la contestation intérieure et unir les Israéliens autour de leur gouvernement.

L’état-major de l’armée israélienne serait, quant à lui, opposé à tout nouveau conflit. Depuis la guerre contre le Liban en 2006, le commandement de Tsahal a compris que, bien qu’il possède toujours l’armée la plus puissante et la mieux équipée du Moyen-Orient, il est dans l’incapacité de gagner une guerre éclair, la seule qu’Israël puisse se permettre.

Il a également compris que toute nouvelle guerre serait extrêmement coûteuse pour l’État hébreu. Le Hezbollah possèderait des dizaines de milliers de missiles capables d’atteindre n’importe quelle cible militaire et civile israélienne, et les combattants de la formation chiite libanaise, qui avaient prouvé en 2006 leur supériorité au combat sur le terrain, sont aujourd’hui plus aguerris par l’expérience qu’ils ont acquise en Syrie. Il en va de même pour l’armée syrienne que sept ans d’une guerre implacable ont formée à la guérilla urbaine.

En 2006, le Hezbollah a également prouvé qu’il avait les armes nécessaires pour détruire des navires militaires israéliens. Il est fort à parier que de telles armes sont encore en sa possession, en nombre beaucoup plus élevés.

Après avoir perdu son incontestable supériorité sur terre et sur mer, l’armée israélienne a réalisé en février dernier, après qu’un missile syrien a abattu l’un de ses F-16, que l’invulnérabilité de son aviation fait partie du passé.

De plus, en cas de guerre, l'armée syrienne fidèle à Bachar el-Assad et le Hezbollah se seraient pas seuls face à Tsahal. Comme l'avait affirmé en juin 2017 le Secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, les puissantes milices irakiennes qui avaient pris part à la libération de Mossoul, les Gardiens de la Révolution iraniens - garde prétorienne de la République islamique déjà présente en Syrie, ainsi que les factions armées palestiniennes prendraient part au conflit. Sans oublier l'Iran, si son territoire était bombardé par Israël.

Mais rien n’est inévitable. Sous la pression de ses alliés européens et de la Russie, Netanyahu pourrait se voir obligé de renoncer à son projet guerrier. Les pays européens ont peur qu’un conflit généralisé au Moyen-Orient ne pousse les réfugiés syriens qui se trouvent au Liban ou ailleurs à prendre le chemin de l’Europe. Seuls les États-Unis, dont la rhétorique anti-iranienne s’est considérablement durcie depuis le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, semblent soutenir sans réserve le Premier ministre israélien et pourraient voler au secours de l’État hébreu si ce dernier était en difficulté.

Si un tel scénario venait à se produire, la guerre régionale voulue par Netanyahu pourrait aisément déraper en conflit international et entrainer le monde dans un embrasement global qu’il faudrait être inconscient pour en ignorer les éventuelles et catastrophiques conséquences pour l’humanité toute entière.


© Claude El Khal, 2018