Si la France veut éviter de devenir un autre Liban

Au Liban, on n’a rien appris. Ni des erreurs, ni des errements. Résultat, on est dirigé par des Le Pen depuis plus de 10 ans. Et ce n’est pas demain que ça changera.

Les Français seraient bien inspirés de regarder de près ce qui s’est passé au Liban pour ne pas tomber dans le même piège. Comprendre que l’incapacité à se remettre en cause et la propension à se diviser entre les bons (nous, toujours nous) et les méchants (eux, toujours eux) ne mènent jamais à rien.

On s’est divisé en 14 et 8 Mars. On a diabolisé tous ceux qui étaient de l’autre bord, forcément des salauds, et, en finalité, on l’a tous eu dans l’os. Profond, très profond.

On a cru aux bobards des uns, on a applaudi les mensonges des autres, et même si parfois on a douté, le même refrain imbécile et absurde se faisaient entendre : oui les nôtres sont incompétents et corrompu, mais quoi, tu préfères les autres, ces suppôts de Satan ?

Et un jour, on s'est retrouvé envahi par les ordures, à tous les niveaux, et on a enfin réalisé que les uns et les autres n'étaient en fait que les deux masques d'un seul acteur et que la merde était la même pour tout le monde.

Mais c'était trop tard, la gangrène avait déjà tout dévoré et le corps entier était pourri.

Le succès des Le Pen est le résultat de politiques désastreuses d’une gauche de plus en plus droitière et d’une droite de plus en plus extrême. Ces deux faux adversaires (faux parce que finalement, à peu de choses près, les deux gouvernent à l’identique) ont fait avaler toutes les couleuvres à leurs partisans et sympathisants. Et à chaque élection, on se dit oui bon ils sont nuls, mais vaut mieux nos nuls que ceux des autres.

Cette logique aberrante a permis aux Le Pen de grimper, grimper, jusqu’à atteindre l’hallucinante barre des 30%, le tiers des Français. 

Bientôt, d'une façon ou d'une autre, par pur opportunisme électoral, les grands partis se lepeniseront. Et même si l'extrême-droite n'arrive pas au pouvoir, ses idées, à peine déguisées, régiront la République.

Si la France veut éviter de devenir un autre Liban, elle devrait non pas se pencher sur son histoire, mais sur celle du pays du Cèdre. Elle y verrait, au delà des détails et des anecdotes exotiques, l’histoire d’un peuple qui à force de déni et de division, par manque de volonté et de vision, a fini par devenir le dindon d’une farce tragique.

Un peuple qui ressemble tellement au sien, mais qui n’a pas été foutu de prendre en charge son destin et de comprendre qu'une alternative est non seulement possible, mais surtout indispensable et urgente.


© Claude El Khal, 2015

Photo : Reuters