Hypocrites


Ils fustigent à raison le Hezbollah parce qu’il risque de nous entrainer dans un conflit destructeur, mais frétillent de partout et salivent à l’idée d’une guerre qui risque de tout casser dans la région. 

Ils dénoncent à raison les horreurs du régime syrien, mais regardent de l’autre côté ou font semblant de ne rien voir quand les rebelles massacrent des enfants. Ils s’égosillent à raison quand l’armée syrienne viole la souveraineté libanaise, mais ne pipent mot quand l’armée israélienne fait la même chose. Ils accablent à raison certains leaders libanais pour leur position pro-Assad mais érigent en héros des criminels de guerre qui ont pourtant frénétiquement collaboré avec l’occupation syrienne. Ils déclarent à raison que les intérêts du Liban doivent primer mais ne s’occupent guère des vrais problèmes des libanais.

Le pire, c’est que ces braves hypocrites, tristes baudruches imbues d’elles-mêmes, osent se présenter comme des parangons de vertu, défenseurs incorruptibles de la morale et de la vérité, distribuant à loisir les bons et les mauvais points, selon que nous, pauvres pêcheurs, sommes d’accord avec eux ou non.

Ah ces nobles âmes qui appellent à la guerre, bien sagement confinés dans leur petit confort bourgeois beyrouthin… Ces coqs en pâte se prenant pour de farouches samouraïs, et qui battent le tambour devant leur petit écran d’ordinateur…

Ah l’indélébile bêtise du bourgeois convaincu de son bon droit comme de sa bedaine, et qui se délecte du sang versé en dégustant du bout des lèvres un vin rouge millésimé…

Ah…

Ces mêmes nobles âmes vont bientôt nous expliquer que les parlementaires britanniques, après avoir voté contre une intervention militaire en Syrie, sont en réalité des identitaires génocidaires complices immoraux des baathistes syrien et des barbus iraniens, effrayés par la liberté et la démocratie. À moins qu’ils nous assurent que ces braves députés british aient voté sous la pression des fameuses chemises noires.

La grande question est : les verra-t-on bientôt défiler le poing levé et la voix virile, déclamant fièrement « labbayka ya BHL » ?

Quand aux hérauts de la liberté dans le monde, ces puissances qui nous promettent qu’après la guerre, les lendemains seront fleuris et sentiront la rose, où étaient-ils quand le Liban agonisait sous les bombes du régime syrien ? Où étaient-ils quand Kissinger confessait un faible pour Hafez el Assad ? Où étaient-ils quand Bachar était reçu en grande pompe à Buckingham Palace alors que nous étions écrasé sous la botte syrienne ? Où étaient-ils quand Sarkozy faisait parader l’armée française devant son ami Assad ? 

C’est maintenant qu’ils se réveillent ? Maintenant que la région risque de plonger dans les ténèbres takfiristes ? Maintenant que l’humanité risque d’assister impuissante au déclanchement d’une guerre régionale, puis sans doute mondiale ?

Où étaient-ils ?


© Claude El Khal 2013