Mabrouk à Ely Dagher pour la Palme d’Or

Non le Liban n’a pas gagné une Palme d’Or à Cannes. C’est Ely Dagher, cinéaste de 29 ans, qui l’a remporté pour son court-métrage Waves ‘98

C’est lui qu’il faut célébrer et non agiter drapeaux et koullounas en criant très fort que le pays entier est soudain devenu le paradis verdoyant du 7ème art.

Le Liban se fout pas mal du cinéma libanais. Beaucoup de cinéastes de grand talent, reconnus pour leur travail, ne trouvent pas de financement pour faire leurs films. Alors que l’argent déborde et coule à flot au pays du strass et du stress.

Ici, on préfère financer des mariages grandioses et m’as-tu-vu au lieu d’investir dans le cinéma. Ici, l’Etat ne s’intéresse à la culture que lorsqu’elle s’appelle Salma Hayek. Ici, aucune télé n’achète de courts métrages libanais. Si par chance elles en diffusent quelques uns, c’est bien évidemment gratuitement qu'elles le font. Comme si elles rendaient service aux cinéastes. Ces derniers ayant l’obligeance et la décence de dire merci avant de s’en aller, la queue entre les jambes, gratter des boulots par-ci par-là, pour pouvoir survivre. Ces mêmes télés qui vont célébrer cette Palme d’Or comme si c’était la leur. Comme si c’était un peu grâce à elles qu’elle fut remportée.

Quant à tous ceux qui crient victoire ce soir, se poseront-ils la question de savoir ce qu’ils font, eux, pour le cinéma libanais ? Combien sont-ils à courir dans les salles voir les films à leur sortie ? Combien sont-ils à acheter les DVD s’ils les ont manqués sur grand écran ? Combien sont-ils à aller aux festivals ? Combien sont-ils à réclamer aux télés plus de courts et longs métrages écrits, produits et réalisés par des libanais ?

Il y a bien sûr quelques irréductibles qui se battent pour que ce cinéma existe envers et contre tout. Je pense à l'Office du Tourisme du Liban à Paris, je pense à 35mm de Beyrouth, je pense à la Fondation Liban Cinéma, je pense à ces rares producteurs qui osent encore rêver, je pense à ces passionnés qui sont prêt à y mettre leur chemise. Mais il y en a si peu…

Donc milles bravos à Ely Dagher. C’est lui et lui seul qui a gagné. C’est pour ça qu’il faut le célébrer et l’honorer.  

Alf Mabrouk !

@Claude El Khal, 2015

WAVES'98 Trailer from Beaverandbeaver on Vimeo.