Talk show politique au Liban

Générique. Le journaliste apparaît. Sérieux et solennel il nous dit bonsoir et se met à réciter les grands sujets d’actualité avec un telle ardeur dramatique qu’on pourrait croire qu’il déclame un poème lyrique annonçant la fin du monde.

Dans cette introduction digne du théâtre tragique de la Grèce antique, il pose toutes les questions existentielles qui angoissent les Libanais. Puis il présente son invité. En général quelqu’un qui est incapable de donner un début de réponse intelligente et pertinente aux questions posées.

Après l’échange d’amabilités où le journaliste et l’invité se flattent mutuellement, vient le moment des plaisanteries. Ce qui donne au journaliste l’occasion de nous offrir le spectacle fascinant de sa gorge déployée, et à l’invité l’opportunité de se trémousser sur son fauteuil.

Encore hilare mais essayant quand même de reprendre son sérieux solennel du début, le journaliste pose une question à laquelle même les dirigeants du G7 et des BRICS réunis seraient incapables de répondre.

L’invité, réfléchit profondément, boit une petite gorgée de café turc, prend l’air le plus intelligent possible et dit une grosse connerie.

Épaté, le journaliste s'exclame: uff.

Encouragé, l'invité dit une autre connerie, encore plus grosse que la précédente.

Salivant, le journaliste s'exclame de plus belle: uff uff.

N'y tenant plus, l'invité s'élance et lâche une longue litanie de conneries, plus énormes les unes que les autres. Le tout saupoudré d'appels à la haine confessionnelle.

Béat, le journaliste s'extasie: uff uff uff.

En conclusion, le journaliste, jovial et satisfait, remercie chaleureusement l'invité, se félicitant d'avoir reçu une personnalité si remarquable, un patriote si distingué et un ami si cher.


© Claude El Khal, 2015