Je n’oublierai jamais le 13 Octobre 1990


26 ans après, cette terrible journée reste pour de nombreux Libanais une blessure profonde qui ne s’est jamais tout à fait refermée. Ce jour-là, l’armée d’occupation syrienne a envahi la dernière région libre qui lui résistait encore, complétant ainsi sa mainmise sur le Liban. Mainmise militaire et politique qui allait durer quinze longues années.

Je n’oublierai jamais le 13 Octobre 1990

Je n’oublierai jamais le 13 Octobre 1990. Je n’oublierai jamais les avions syriens qui lançaient leurs missiles sur les dernières régions libres du Liban. Je n’oublierai jamais la terreur des femmes, des hommes et des enfants sous le feu aveugle des canons du régime baathiste. Je n’oublierai jamais les larmes des pères, des mères, des fils et des filles au moment de la reddition.

Je n’oublierai jamais les soldats de l’armée libanaise massacrés alors qu’ils étaient prisonniers. Je n’oublierai jamais le silence de mort qui a accompagné l’entrée des troupes syriennes à Baabda. Je n’oublierai jamais les tirs de joie de la soldatesque d’occupation quand l’invasion fut achevée.

Je n’oublierai jamais que parmi ceux qui se divisent aujourd’hui en 8 et 14 Mars beaucoup ont applaudi et crié victoire, certains après avoir pilonné sauvagement les régions libres, d’autres après avoir participé aux combats contre l’armée libanaise.

Je n’oublierai jamais que tout ça s’est passé avec la bénédiction du monde entier, de ceux qui veulent aujourd’hui abattre le régime syrien, ceux qui le décrivent depuis si peu comme criminel et barbare : les Etats-Unis, l’Europe, la France socialiste à laquelle appartenait déjà François Hollande, la Ligue Arabe, les monarchies du Golfe, la Turquie… Même l’Iran et Israël étaient à l’unisson.

Je n’oublierai jamais les heures noires de ce jour funeste et la nuit sans étoiles qui s’est abattue sur nous. Je n’oublierai jamais les 15 ans qui ont suivis. 15 ans de répression, de pillage organisé, de corruption institutionnalisée. Je n’oublierai jamais la peur, la rage, la tristesse, la mort. Je n’oublierai jamais le 13 Octobre 1990.

Dany, Ingrid, Tarek et Julian 


Comment se souvenir du 13 Octobre 1990 sans évoquer l’une de ses plus terribles conséquences : l’assassinat effroyable de Dany Chamoun, de sa femme Ingrid et de ses enfants Tarek et Julian près d’une semaine après l’invasion syrienne des régions libres.

Dany Chamoun était un peu le Kennedy libanais, héritier de la dynastie politique fondée par son père Camille Chamoun, ancien président de la République libanaise de 1952 a 1958.  Bel homme, charmeur, extrêmement populaire, Dany – comme l’appellent affectueusement les Libanais – a commencé sa carrière politique comme chef de la milice du Parti National Libéral (PNL), les Noumour el-Ahrar.

Après des faits d’armes remarqués – la prise du camp palestinien de Tall el-Zaatar en 1976 par exemple – il abandonne la lutte armée suite au massacre de ses partisans en Juillet 1980 par la milice concurrente des Kataeb, dirigée alors par Bachir Gemayel. Ce dernier voulant unir toutes les milices chrétiennes sous la seule bannière des Forces Libanaises.

A la fin des années 80, Dany Chamoun soutient le gouvernement de transition dirigé par le général Michel Aoun et s’engage à ses côtés lors de "la guerre de libération" puis celle dite "inter-chrétienne" qui opposa l’armée libanaise et la milice des Forces Libanaises dirigée par Samir Geagea.

Après l’invasion syrienne du 13 Octobre et la chute du général Aoun, Dany refuse de quitter le Liban. Il sera brutalement assassiné le 21 Octobre avec sa femme Ingrid et deux de ses enfants, Takek (7 ans) et Julien (5 ans). Seule Tamara, encore bébé, échappera par miracle aux meurtriers.

Aujourd’hui, 25 ans après, les assassins de Dany, Ingrid, Tarek et Julian courent toujours sans que personne ne demande que justice soit faite. Pas même son frère, Dory, qui a pris la succession de Dany à la tête du PNL…

Il est grand temps de rouvrir l’enquête pour qu’enfin toute la vérité soit faite, et les coupables arrêtés et jugés.


© Claude El Khal