Héritiers des Phéniciens, la Tunisie avance et le Liban recule


Il y a deux pays qui se veulent être héritiers des Phéniciens : le Liban, terre d’origine des navigateurs marchands inventeurs de l’alphabet, et la Tunisie, fille de Carthage et du célèbre Hannibal. Mais rarement un héritage commun n’a été si différemment vécu.

La Tunisie a fait sa révolution, le Liban a fait semblant de faire la sienne. La Tunisie a chassé son dictateur, le Liban a plébiscité les siens. La Tunisie s’est vue confisquer sa révolution puis patiemment l’a reconquise, le Liban a laissé tomber la sienne pour aller boire un verre dans un bar à la mode. La Tunisie a tenu des élections et sauvé sa démocratie, le Liban a reporté une troisième fois les siennes et a remis la démocratie à plus tard.

Aujourd’hui encore, la Tunisie qui avance, lentement, en silence, donne une belle leçon de progrès au Liban qui recule à grand pas en pétaradant, en tirant en l'air et en organisant de fastueux feux d’artifice.

Le parlement tunisien a voté à l’unanimité des députés présents une loi contre les violences faites aux femmes. 136 voix contre zéro. Les quelques élus qui s’y opposaient se sont absentés. Peut-être pour ne pas avoir à voter contre cette loi et gâcher ce moment historique par de vulgaires chamailleries politiciennes.





Par contre, au Liban, on trouve encore des parlementaires qui déclarent que dans "certains cas" une femme est responsable de son viol, et les bastonneurs de femmes, aidés par des politiciens sans scrupules, trouvent trop souvent moyen d’échapper à la justice.

Quand une loi criminalisant la violence domestique fut enfin votée après de longues et lamentables palabres, elle fut amputée, dénaturée, au nom de je ne sais que loi religieuse contraire au droit civil libanais mais étrangement supérieure à lui.

A voir ces images émouvantes venues de Tunis, on ne peut qu’être frappé par le nombre de femmes parlementaires. Elles représentent près d’un tiers des députés tunisiens. Des femmes courageuses, militantes, qui défendent leurs droits légitimes avec fougue et intelligence.

La différence avec le parlement libanais est cruelle. Ce dernier est peuplé d'hommes bedonnants, sexistes et affairistes, et de deux ou trois femmes silencieuses, absentes, inutiles et mondaines.

Est-ce un hasard si en Tunisie, le ministère des droits de la femme est dirigé par une femme, alors qu’au Liban c’est un homme qui y trône?

Finalement, en guise d’héritage phénicien, la Tunisie semble avoir reçu celui d’Hannibal l'émancipateur, et le Liban celui des notables corrompus qui l’ont trahi.


© Claude El Khal, 2017