On pensait avoir touché le fond avec “animaux humains”, mais c’était compter sans l’ex-ambassadeur israélien à l’ONU. Sur Sky News, il déclare: “je ne comprends pas pourquoi le monde continue à soutenir le peuple palestinien, ces horribles animaux inhumains”.
Et si ce n’était que ça.
En Allemagne, un homme seul porte un drapeau israélien. Il se promène nonchalamment sur un quai de gare. Il est escorté et protégé par quatre policiers allemands. Quelques jours plus tôt, des manifestants pro-palestiniens étaient tabassés avec une rare violence par d’autres policiers allemands. L’un a le droit d’exprimer ses opinions, et c’est bien, mais les autres n’ont le droit que de se taire. Sinon on les bat comme on battait autrefois les bêtes.
Et si ce n’était que ça.
Dans la France voisine, le discours anti-arabe et anti-musulman a atteint des sommets d’indécence - et c’est un euphémisme. On ne se cache plus, on ne murmure plus, on clame, on déclame, on revendique son mépris et sa haine. À la télé, la déshumanisation bat son plein. On décrit encore et toujours les milliers de civils palestiniens tués à Gaza comme des “dommages collatéraux”. Parfois avec une moue amusée.
Et si ce n’était que ça.
Plus de trente journalistes arabes ont été tués depuis le début du génocide à Gaza. Une chaîne d’information arabe a été menacée par l’armée israélienne, puis la famille de l’un de ses journalistes fut ciblée par un bombardement et tuée. Mais pas la moindre indignation dans les rédactions civilisées. Pas la moindre condamnation. Comme si c’était normal. Comme si c’était banal. Des moustiques sur un casque de moto.
Et si ce n’était que ça.
Retour sur Sky News. Un ancien membre de la Knesset déclare: “Il n’y a qu’une seule solution: la destruction complète de Gaza, avant de l’envahir. Une destruction comme Hiroshima”. Un peu plus tôt, ce même individu martelait sur une chaîne israélienne qu’il ne faut pas “laisser pierre sur pierre à Gaza”. Pour ce faire, il proposait son “incinération totale”. Avant d’exhorter Netanyahu à “annihiler Gaza maintenant”. Même le présentateur était gêné… Cet individu s’était notamment illustré en 1995, dans une entrevue accordée au journal Haaretz, où il faisait éhontément l’éloge d’Hitler.
Évidemment, les médias des droits de l’homme ne montreront pas ces images. À ce sinistre personnage, ils ont préféré une femme, une avocate franco-israélienne. Mais en plein direct, elle s’emporte: “il n’y a pas de civils innocents à Gaza”. Embarrassé, le présentateur l’interrompt: “c’est compliqué de dire ça”. Pas scandaleux, pas inacceptable, non, “compliqué”. Imaginez un instant si c’était une palestinienne qui avait dit une chose pareille à propos des civils israéliens. La guillotine aurait été probablement rétablie rien que pour elle.
Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi quelques rayons de soleil.
Les fans du célèbre club de foot écossais Celtics ont noyé de drapeaux palestiniens le stade où jouait leur équipe, et entonné en chœur: “People of Palestine, you’ll never walk alone”. Les images, émouvantes, ont fait le tour du monde.
Des influenceurs américains sur TikTok ont affirmé, preuves à l’appui, avoir été approché pour soutenir publiquement Israël en échange de dollars sonnants et trébuchants. Ils ont refusé. “vous ne pouvez pas acheter mon soutien à un génocide”, a dit l’un d’eux dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux.
Les vidéos de soutien aux Palestiniens de jeunes américains, les fameuses Génération X et Génération Z, se multiplient. Le très influent et très organisé mouvement Black Lives Matter a pris fait et cause pour la Palestine. Des milliers de membres d’associations juives américaines manifestent au Capitole et réclament un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Près de 4000 artistes britanniques et américains ont signé des appels similaires.
Le fossé entre les dirigeants occidentaux et leurs opinions publiques s’élargit à vue d’œil. Il pourrait bientôt devenir infranchissable.
(à suivre)
© Claude El Khal, 2023