Le monde réel n’est pas un plateau de télévision


Les opinions publiques à travers le monde semblent pencher du côté palestinien. Partout, des milliers de personnes manifestent leur soutien à ce peuple qu’on décime. Les nations ne sont pas en reste. Beaucoup d’entre elles ne diffèrent pas de leur opinion publique, même si elles le taisent par peur des USA. En réalité, les pays qui soutiennent inconditionnellement Israël se comptent sur les doigts d’une main.
 
Les dirigeants de ces pays commencent à comprendre qu’ils pourraient être poursuivis pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Alors ils opèrent discrètement un virage dans leur discours. Ils se disent maintenant inquiets du sort des civils à Gaza et affirment leur attachement au droit international. Il y a quelques heures seulement, ils ne brandissaient que “le droit d’Israël à se défendre”, sans égard envers la population gazaoui.
 
Par contre, dans les médias mainstream occidentaux, l’indécence a open bar. Sur telle chaîne française on se demande si les civils à Gaza ne sont pas finalement complices du Hamas. Sur telle autre, on s’interroge: “doit-on dire qu’un civil à Gaza c’est la même chose qu’un civil en Israël; c’est une question très délicate”.

Ils ne rendent pas compte que le monde réel n’est pas un plateau de télévision; et que dans le monde réel, les personnalités publiques (politiques, journalistes, commentateurs, célébrités, etc.) qui tiennent ce genre de discours ou justifient ouvertement les actions israéliennes à Gaza pourraient être poursuivies pour apologie de crimes contre l’humanité.
 
Ils s’en rendent si peu compte, qu’un ancien négociateur israélien, Daniel Levy, qui a servi sous les premier ministres Ehud Barak et Yitzhak Rabin, est obligé de donner une leçon de journalisme à une journaliste de la BBC qui répètait presque mot à mot la propagande de l’armée israélienne.

Sur internet, le youtubeur israélien-américain Ethan Klein fond en larme en évoquant les horreurs à Gaza.

En Israël, le traumatisme est profond et la colère monte contre le gouvernement. À Tel Aviv, des centaines de manifestants, dont des familles d’otages et de disparus, appellent à la démission de Netanyahu. “Bibi tu as du sang sur les mains”, dit la pancarte d’une manifestante. Plusieurs ministres en visite dans les hôpitaux où sont soignés les blessés sont violemment pris à partie et chassés. “C’est de votre faute, vous allez détruire Israël”, crie un médecin à une ministre qui s’échappe vers sa voiture. À la une d’un grand quotidien israélien, l’appel déchirant d’un fils: “Ma mère de 84 ans a été prise en otage. En son nom aussi, je plaide: ne détruisez pas Gaza”.

À l’autre bout du monde, à New York, un homme s’adresse à la foule. Il est bouleversé. “C’est un génocide, s’étrangle-t-il, c’est un génocide”. Il peine à contenir son émotion. “En tant que Juifs new-yorkais nous sommes là pour dire: pas en notre nom”. La foule, nombreuse, reprend: “pas en notre nom, pas en notre nom”.
 
De l’autre côté de l’Atlantique, à Londres, la foule est immense. Une manifestante, militante d’une association juive pour la paix, dit au micro d’une journaliste: “je suis là parce que je suis un être humain, et chaque personne qui a une conscience sait qu’une population civile ne doit jamais être punie de cette façon. La punition collective est un crime de guerre”.

Au même moment, à Paris, des policiers disent aux manifestants venus soutenir les Palestiniens: “vous n’avez pas le droit d’être là, cette manifestation est interdite”.

© Claude El Khal, 2023
Photo: Reuters