Le confessionnalisme au Liban, une séquelle du colonialisme?


Vous n'avez pas remarqué que les Palestiniens, dont on a volé la terre et qu'on tente d'exterminer par tous les moyens, ne se sont jamais divisés entre chrétiens et musulmans, et ont gardé un sentiment très puissant de leur identité commune?

Pour rappel: de 1948 à ces dernières années, hormis Yasser Arafat, les principaux leaders politiques et militaires palestiniens étaient chrétiens.

Alors pourquoi les Libanais, qui ont un pays, se divisent selon leurs confessions à la moindre opportunité et se cherchent des identités imaginaires aux quatre coins du globe -tout sauf reconnaître leur identité commune?

C'est une question importante.

Importante parce que Libanais et Palestiniens ont une longue histoire en commun et se ressemblent bien plus que certains ne veulent le reconnaître.

Alors pourquoi cette différence fondamentale?

Paradoxalement, la réponse à cette question n'a rien à voir directement avec les Libanais et les Palestiniens eux-mêmes, mais avec les pays qui les ont dominés après la Première guerre mondiale et les accords Sykes-Picot.

La Palestine a été dominée par la Grande Bretagne et le Liban par la France. C'est elle qui a créé le Liban tel que nous le connaissons -le fameux État du Grand Liban, et c'est elle qui y a institué le système confessionnel qui le régit depuis.

La Grande Bretagne, qui préparait déjà la création de l'État d'Israël en Palestine, n'avait pas besoin de diviser les Palestiniens pour mieux les dominer, elle prévoyait simplement de s'en débarrasser.

La France, par contre, avait l'intention de gouverner le Liban, donc de dominer les Libanais. Pour ce faire, elle a introduit un système de division institutionnelle qui a fait que le nouvel État était ingouvernable sans sa tutelle.

Après l'indépendance en 1943, ce système très favorable à l'élite dirigeante libanaise de l'époque a continué. Avec le temps, il s'est pérennisé et s'est progressivement installé dans les mentalités.
Nous ne sommes pas guéri du colonialisme.

Nous en portons encore les séquelles et avons fini par croire qu'elles faisaient partie de notre ADN.

Le Liban ne sera un pays véritablement indépendant et les Libanais ne pourrons construire un État véritable que si nous guérissons des séquelles du colonialisme. C'est-à-dire de ce poison originel qu'est le confessionalisme.

© Claude El Khal, 2024