Erdogan n’aurait pas pu "activer" l’armée jihadiste d’Idlib sans l’aval de Washington et d’Israël —dont certains groupes sont les protégés, et qui ont tous deux intérêt à la reprise de la guerre en Syrie.
Pour Israël, la reprise de la guerre en Syrie coupe la route d’approvisionnement d’armes au Hezbollah, divise l’opinion publique propalestinienne entre pro et anti-Assad, et détourne l’attention du génocide qui continue à Gaza.
Pour Washington, la reprise de la guerre en Syrie met à mal la future administration Trump, dont le cheval de bataille est de mettre fin aux guerres en Ukraine et au Moyen-Orient.
Mais quel intérêt a Erdogan de se lancer dans une telle aventure? Renforcer sa position géostratégique en "conquérant" des territoires supplémentaires en Syrie? Peut-être.
Il y a cependant un autre scénario possible. Un scénario dont Erdogan est le dindon de la farce.
L’objectif réel de la reprise de la guerre en Syrie serait la création d’un état kurde indépendant —dont les USA ont besoin dans la région pour renforcer leur influence face à l’Iran et la Russie.
Encouragé par les USA, Erdogan serait tombé dans le piège qui lui est tendu. Comme Saddam Hussein en son temps, quand il fut encouragé à envahir le Koweït, avec le dénouement qu’on sait.
Dans ce scénario, tout le monde y trouve son compte, sauf Erdodan et la Turquie qui pourrait se trouver amputée d’une partie non-négligeable de son territoire en faveur du nouvel état kurde.
La Syrie pourrait concéder ses territoires déjà sous contrôle kurde en échange de l’abandon des proxies jihahistes et du feu vert US à en finir avec la "rébellion" d’Idlib. Ce qui profiterait également à la Russie, pour qui la Syrie est une chasse gardée.
La participation immédiate des forces kurdes aux côtés de l’armée syrienne face aux jihadistes est un indice de la plausibilité de ce scénario. Les frappes russes sur Idlib qui ont éliminé le chef d’un des principaux groupes jihadistes sont un autre indice.
L’évolution sur le terrain révélera rapidement l’objectif réel de la reprise soudaine de la guerre en Syrie. En attendant, quel que soit l’objectif et le dénouement des combats, ce sont toujours toujours toujours les civils qui souffrent et qui meurent…
© Claude El Khal, 2024