FEMME MAGAZINE - Interview - Mai 2010

Le Scan de FEMME : "Claude El Khal pratique ce qu'il croit"

Auteur, scénariste et réalisateur, Claude El Khal a ceci de particulier : une peau multiple qui reste néanmoins inscrite sous le même ADN. Celui de l’amour des mots. Passionné et passionnant, ce résistant dans l’âme porte un regard sur la vie et sur l’amour sous le titre de la fidélité à soi-même et à ce en quoi l’on croit. Et ceci lui réussit fort bien puisque son dernier court métrage en date « Ecce Hommos » poursuit avec succès son tour du monde. Et s’il faut à tout prix lui trouver une obsession, ce serait celle de la ponctuation dans ses écrits pour laquelle il réclame un respect total. Et on comprend parfaitement sa revendication : cet homme respire à un rythme qui lui est propre. Il inspire et expire entre ses mots.

1-Scénariste ou écrivain, dans quelle peau vous sentez-vous le mieux ?

Je n’ai qu’une peau. Mais elle est multiple. Et m’y sens bien. L’écriture est évidemment différente si c’est un scénario ou un roman. Le scénario est plus restrictif : on n’écrit que ce qui se voit à l’écran, il n’y a pas de voix intérieure. Et puis quand on a fini d’écrire un roman, on a fini. Alors que quand on a fini d’écrire un scénario, on ne fait que commencer. Ce sont des plaisirs différents. Mais aussi passionnant l’un que l’autre.

2- Quel est, parmi vos court-métrages, celui pour lequel vous éprouvez une tendresse particulière et pourquoi ?

Je n’ai pas plus de tendresse envers tel ou tel court-métrage. J’aime les trois, mais pour des raisons différentes. Le premier, « Bloody Mary Afternoon » parce que c’est le premier. Celui qui a pris ma virginité. Le second : « Beau Rivage » parce qu’il a été un acte de résistance. Il a été réalisé et projeté pendant l’occupation syrienne. Et enfin le troisième : « Ecce Hommos » pour les très belles rencontres qu’il m’a offert.

3- L'écriture est-elle pour vous un exutoire ?

Peut-être. En tout cas, elle est indispensable à mon équilibre.

4- Quel message souhaitez faire parvenir à travers vos publications écrites et/ ou filmées ?

Je ne sais pas s’il y a un message « généraliste » dans mon travail. Mais une chose est sûre, je n’écris pas pour passer le temps. Ni pour me rendre intéressant.

5- Croyez-vous au coup de foudre ?

J’aimerais y croire.

6 - Etes-vous un homme libre ?

L’est-on jamais vraiment ? Disons que je suis un homme qui se libère. Chaque jour un peu plus.

7 – Quel effet cela vous fait-il de voir votre dernier court-métrage « Ecce Hommos » faire un début de tour du monde ?

Surpris. Heureux. Un très beau cadeau.

8 - Etes-vous un homme heureux ?

De plus en plus.

9 - Quelle a été votre plus grande peine ?

Le 13 Octobre 1990, quand l’armée syrienne a écrasé la résistance libanaise en envahissant les dernières régions libres. Nos combattants ont été massacrés, nos camarades enlevés pour ne plus jamais revenir. Et le monde d’applaudir « la fin de la guerre civile ». Ce jour-là, une fois de plus, l’humanité a perdu son honneur.

10- Et votre plus grande joie ?

Jouer sur scène, au théâtre. J’avais 18 ans. C’était une comédie d’Aristophane, « L’assemblée des femmes ». Pour obliger les hommes à ne plus faire la guerre, les femmes décrètent la grève de l’amour… J’y jouais un jeune homme atteint de priapisme chronique. Un grand moment !

11- Quel est, selon vous, votre principal trait de caractère ?

Je ne sais pas répondre à cette question… A-t-on un « trait principal » ? Ou alors est-on une palette d’infinies nuances ?

12- Et celui que vous aimez le moins en vous ?

Mon égoïsme.

13-Quelle est l'expérience qui vous a positivement marquée le plus ?

L’école publique à Paris. Moi qui sortais du carcan de tout enfant qui a grandi à Ashrafieh dans les années 70 : des croix sur des crosses, bercé entre Jésus et Bachir Gemayel, j’y ai découvert « la différence ». La beauté du métissage. De tous les métissages. Elle a forgé le squelette de l’homme que je suis devenu.

14- Et celle qui vous a dérangée ?

La trahison d’un ami.

15- Si vous devriez changer quelque chose à votre vie, quel serait-il et pourquoi ?

Si le présent est la somme du passé, je ne changerai rien.

16- Etes-vous romantique ?

Le plus souvent possible.

17- Que pensez-vous de la fidélité en amour ? Est-ce un concept viable pour ceux qui la défendent ?

Il ne faut pas se raconter d’histoires, ne pas être fidèle à ceux qu’on aime c’est avant tout se trahir soi-même. Surtout si on trompe la personne avec qui on partage sa vie. La vie à deux ne s’improvise pas. Mais tout le monde veut courir avant de savoir marcher. Alors on se met en couple, avant d’avoir, entre autre, compris quoi que ce soit à sa propre sexualité. Du coup, les hormones aidant, on va planter sa semence dans tous les orifices qui en veulent bien.

18- Avez-vous peur de la mort ?

En elle-même, non, pas vraiment. Mais l’après. Du moins la possibilité qu’il n’y ait pas d’après. Que tout s’arrête d’un coup, comme une télé qu’on éteint.

19- Quelle est votre boisson favorite ?

Le thé.

20- La phrase ou le mot qui vous déstabilise ?

« Dieu a dit »

21- Quel est votre signe du zodiaque ?

Gémeaux.

22- Quelle a été votre plus grande folie ?

Il y en a eu pas mal… ! Comme, par exemple, d’avoir quitté Londres et changé de vie sur un coup de cœur, en étant convaincu que ça passerait bien.

23- Et votre décision la plus sage ?

D’avoir mis mon travail sur Internet. Ce nouveau monde où tout est possible, la première vraie communauté à l’échelle de l’humanité, ou presque. Et sans doute, le dernier espace de liberté.

24- Assurez-vous en toutes circonstances ?

Je n’espère pas, sinon quel ennui… ! Et puis c’est tellement beau de pouvoir encore se sentir comme Obélix devant Falbala.

25- Petit, que vouliez-vous faire ou devenir ?

Ce que je suis en train de devenir.

26- Qu'aimeriez que l'on dise de vous ?

Il est.

27- Quel est votre prochain rêve que vous aimeriez pouvoir réaliser ?

Mon premier long-métrage. Il est grand temps.

28- Quelle a été votre plus grosse peur ?

Un soir, à cause d’une réaction allergique, due en grande partie à un style de vie malsain, je n’arrivais plus à respirer. L’air n’entrait plus ni ne sortait. Hôpital, urgences, etc. C’était mon bogue de l’an 2000.

29- Avez-vous un héros (ou une héroïne) dans la vie ? Si oui, lequel (laquelle) ?

Il n’y a pas suffisamment de place pour tous les citer ! Disons tous ceux qui se rebellent. Parce que ce sont eux, et eux seuls, qui font avancer le schmilblick.

30- Un talent que vous auriez aimé avoir ?

La musique. Parce qu’avec les mots et les images, elle forme le triangle parfait.

31- Qu'est-ce qui vous attire chez une femme ? Et qu'est-ce qui vous éloigne ?

Beaucoup de choses m’attirent, mais une seule chose m’éloigne vraiment : la bêtise.

32- Quel est votre livre de chevet ?

Les « Rubaiyat » de Omar Khayyâm

33- Votre film culte ?

« Les Enfants du Paradis » de Carné et Prévert.

34- Etes-vous croyant ? Pratiquant ?

Je suis croyant et pratiquant. C’est-à-dire que je pratique ce que je crois. Se prétendre croyant sans être pratiquant est tout simplement hypocrite. Ceci dit, si être croyant veut dire croire aux dogmes que nous ressassent soutanes et turbans, alors non, je ne le suis pas. Et encore moins pratiquant.

35- Quand avez-vous pleuré la dernière fois ?

À la mort de Jean Ferrat. Je n’ai jamais pensé que son départ me bouleverserait autant. Comme si j’avais perdu à la fois un ami, un père, un frère, un camarade.

36- Votre dernier fou rire ?

En lisant le proverbe bantou : « Qui avale une noix de coco, fait confiance à son anus. »

37- Quelle est votre devise ?

Celle de Bernard Werber : « L’amour pour épée, l’humour pour bouclier »

38- Quel est le fantasme que vous n'avez pas encore réalisé ?

Changer le monde.

39- S'il ne vous restait plus que 24h à vivre, comment et avec qui les passeriez-vous ?

À faire l’amour avec la femme que j’aime. Puis, tranquillement, attendre ensemble la fin, un verre de vin à la main, en écoutant un débat politique à la télé. Pour me dire que finalement je ne vais pas rater grand chose.

40- Si vous deviez décrire le Liban en quelques mots, quels seraient-ils ?

Un mensonge auquel j’ai tant voulu croire.