Le L de BHL veut-il dire Libanais?

BHL est devenu une marque, presque un adjectif. Ces trois lettres ne sont plus l’apanage exclusif de ce cher Bernard-Henri dont elles sont pourtant les initiales. 

Elles peuvent désigner tout individu, homme ou femme, qui singe la pensée et les actes de l’intellocrate au décolleté plongeant.

Au Liban, les ersatz de BHL pullulent. Beaucoup moins talentueux que leur célèbre modèle parisien, mais non moins précieux, ils causent beaucoup mais ne font pas grand chose. Ils sont surtout très actifs sur les réseaux sociaux. Puis gloussent et se congratulent dans les salons.

On reconnaît les BHL libanais à leur passion effrénée à jouer aux petits matamores, aux petits va-t-en-guerre et aux petits penseurs à la croix de fer. Ils adorent justifier l’injustifiable et se vautrer dans les approximations les plus approximatives.

Ils sont friands de slogans. Plus c’est simpliste, plus ils aiment. Moins c’est argumenté, plus c’est attirant. Juste au cas où l’argumentaire et les faits qui vont avec iraient à l’encontre des vérités qu’ils assènent.

D’abord ils ont dit que Daech n’existait pas. Puis, à force d’images sanguinolentes et de décapitations publiques, ils ont admis que Daech existait mais ils ont affirmé que c’était une création du régime syrien. Puis quand Daech a exporté ses méfaits vers la Libye et la Tunisie, ils n’ont plus rien dit, refusant même de prononcer les deux syllabes qui forment le nom de la bande à Baghdadi.

Maintenant c’est au tour d’al-Qaeda au Yémen. Que cette dernière ait revendiqué l’attaque contre Charlie Hebdo n’a aucune importance. Que la guerre menée contre les Houthis, ses pires ennemis, soit pour l’organisation terroriste un cadeau inestimable n’est pas un argument recevable.

Ils ont été Charlie quand c’était à la mode. Mais dès que les assassins de Charb, Cabu, et Wolinski se sont trouvé dans le camp qu’ils pensent benoitement être le leur, ils ont séché leurs larmes, ajusté leur fauteuil et déclaré une guerre virtuelle contre un ennemi imaginaire.

Ils croient dur comme fer que le nouveau roi saoudien est un jeune conquérant grec aux blondes boucles qui, sur son blanc destrier, s’en est allé défaire le vilain ayatollah Darius, troisième du nom. Ils semblent être convaincus que les monarchies du Golfe sont entrées en guerre pour répandre la pensée hellénique. Qu’Aristote est un porte-avions. Et que la République de Platon est une fatwa comme les autres. A leur décharge, il est vrai que Socrate était abondamment barbu.

Allez maintenant leur expliquer que Persépolis n’est pas un flic iranien…

La nuance, ils ne connaissent pas. Si vous leur démontrez que Bachar el-Assad n’a pas créé l’Etat Islamique en Irak et en Syrie, ils vous traitent d’infâme baassiste. Si vous leur expliquez que Hezbollah et Daech ce n’est pas la même chose, ils vous accusent d’être un agent des mollahs. Peu importe que vous abhorriez le régime syrien. Ou que vous soyez fondamentalement contre tout mouvement politique et militaire se réclamant de Dieu. Vous avez commis l’irréparable : raisonner. Et raisonner, ça ne résonne pas chez eux.

Ils ne se rendent même pas compte que leur démarche intellectuelle, profondément malhonnête, est un des ferments du totalitarisme. Ils crient Liberté, et pour eux ça suffit, comme des enfants qui en fermant les yeux croient devenir invisibles.

Pauvre Liban qui a tant besoin d’intelligence et de raison. Qui a tant besoin d’un –et même de plusieurs Michel Onfray et non de cette ribambelle de BHL miniatures.


© Claude El Khal, 2015