S’excuser? Oui, mais


Gebran Bassil a traité Nabih Berri de baltagi. Il a eu tort. Quand on est ministre et chef de parti, on fait attention à ce qu’on dit en public. Il devrait présenter des excuses? D’accord. Mais.

Mais qui va demander pardon au peuple libanais pour l’occupation syrienne, ses moukhabarat, ses collabos et ses quinze ans de terreur, qui va demander pardon pour le 13 octobre 1990 et ses massacres de civils et de soldats de l’armée libanaise, qui va demander pardon pour la corruption institutionnalisée, qui va demander pardon pour le vol des biens publics et privés, qui va demander pardon pour le passage à tabac de manifestants pacifiques?

Qui va demander pardon pour les montagnes défigurées par les carrières, qui va demander pardon pour la mer, les rivières, les forêts et les vallées transformées en poubelles, qui va demander pardon pour l’air irrespirable de Beyrouth, qui va demander pardon pour le manque d’eau et d’électricité, qui va demander pardon pour les femmes battues et assassinées, qui va demander pardon pour le droit nié aux Libanaises de donner leur nationalité à leurs enfants?

Qui va demander pardon pour les trois extensions du parlement et les mandats autoprorogés des députés, qui va demander pardon pour les 30% de chômage, qui va demander pardon pour le million et demi de Libanais qui vivent sous le seuil de pauvreté, qui va demander pardon pour l’hallucinante cherté de la vie, qui va demander pardon pour s’être mis au service des ambassades et des puissances régionales et internationales, qui va demander pardon pour le mépris des plus faibles et l’humiliation quotidienne des plus défavorisés?

Qui va demander pardon pour notre enfance volée par la guerre et notre jeunesse terrorisée par les milices et les occupations étrangères, qui va demander pardon pour nos rêves kidnappés par cette caste mafieuse qui gouverne le Liban depuis 1990, qui?


© Claude El Khal, 2018