Défaite historique d'Israël


Le Hamas a infligé à Israël une défaite historique. Une défaite militaire indéniable. Humiliante pour l’armée israélienne et les services de sécurité israéliens. Mais aussi une défaite politique cuisante au gouvernement “musclé” de Netanyahu, doublée d’une défaite géopolitique dont on ne devine pas encore les répercussions.
 
Israël se présentait comme l’unique passage stable de la route de la soie sur la côte méditerranéenne de l’Asie occidentale, via le port de Haifa (modernisé, agrandi et en partie géré par la Chine).
 
La Turquie étant membre de l’Otan, la Syrie étant sous embargo américain (loi César) et toujours en état effectif de guerre civile, le Liban étant dépourvu de son port principal (détruit en août 2020) et jugé instable, restait Israël, puissance militaire et économique régionale, seul pays à pouvoir garantir dans cette partie du monde la stabilité de la route de la soie, indispensable à la Chine et surtout à l’Inde, alliée d’Israël.
 
C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il faut comprendre les négociations entre Israël et l’Arabie Saoudite, passage historique de la route de la soie et nouvellement membre des BRICS (dont l’Inde et la Chine sont des membres fondateurs).

Le succès surprenant de l’opération militaire du Hamas a démontré la fragilité insoupçonnée de l’État d’Israël et son incapacité à assurer sa stabilité intérieure. Ainsi, en quelques heures, une organisation paramilitaire palestinienne, basée dans une étroite bande territoriale encerclée par l’armée israélienne, a totalement déstabilisé la plus grande puissance militaire du Moyen-Orient. Désormais, Israël ne pourra plus prétendre être l’unique passage stable de la route de la soie. Après ce 7 octobre, Israël est objectivement moins stable que la Syrie…
 
Les nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts. Après sa victoire éclatante durant la guerre de juin 67, Israël était devenu prépondérant sur la scène régionale et incontournable sur la scène internationale. Les grandes puissances, surtout occidentales, avaient donc intérêt à s’allier et à soutenir le nouvel État.
 
La guerre de 73 n’a rien changé à cette réalité. Même le retrait humiliant du Liban en 2000 et l’échec de la guerre de juillet en 2006 n’ont pas fragilisé la position d’Israël sur la scène internationale. Par contre, l’opération du Hamas a fait voler en éclats le prestige israélien et réduit Israël au statut de pays instable, à l’instar de ses voisins libanais et syriens.
 
Une page de l’histoire du Moyen-Orient semble avoir été définitivement tournée ce 7 octobre 2023.

Netanyahu a promis une réponse “exemplaire”. Mais que peut-il faire de plus qu’il n’a déjà fait tant et tant de fois, c’est-à-dire écraser les habitants de Gaza sous des tonnes de bombes? Peut-il ordonner un assaut terrestre d’envergure afin de prendre Gaza, ou au moins d’en déloger le Hamas, sans prendre le risque d’une nouvelle défaite militaire? On peut en douter. Il pourrait bien sûr perdre la tête et se lancer dans une guerre régionale. Mais absolument rien ne garanti sa victoire. Bien au contraire. L’état-major israélien le sait parfaitement, et pourrait calmer ses ardeurs.

Finalement, que peut-il faire d’autre sinon négocier une désescalade militaire et un échange de prisonniers? C’est-à-dire acter sa défaite.

© Claude El Khal, 2023
Photo: Associated Press