Je suis Libanais. Où que j’aille, je suis Libanais. Je n’ai pas de faux accent qui singe les indigènes civilisés des grands pays propres sur eux. J’ai l’accent de mon petit pays exsangue et sale. Mon accent qui chante, qui fredonne, qui murmure les histoires secrètes des hommes et des femmes qui m’ont précédé. Cet accent qui hurle parfois les injustices et les injures faites aux miens. Tous les miens. Même ceux qui me sont inconnus. Je suis Libanais. Je porte en moi, dans ma chair, dans mes veines, dans mes os, dans mon âme, des décennies de merde et des siècles d’émerveillements. Je porte en moi la puanteur des villes et la brise parfumée au jasmin qui caresse encore les villages. Je porte en moi la veulerie des uns, la mesquinerie des autres, et la grandeur anonyme de beaucoup. Je porte en moi tous les pays où un exilé a posé ses valises. Tous les aéroports où ont coulé des larmes d’au revoir. Toutes les rues qui ont vu fleurir, entre le ciment et le béton, des promesses illusoires d...