Attentat à Charlie, le détail qui tue

Après chaque attentat ou opération terroriste, les théories du complot se bousculent sur le web. Celui perpétré contre Charlie Hebdo ne fait pas exception.

Dès le lendemain du massacre, les geeks se sont jetés sur les images disponibles pour y déceler inconsistances et preuves, souvent imaginaires, les professionnels de la conspiracy theory y ont trouvé un moyen inespéré de remettre du beurre dans leurs épinards, même le vénérable Ron Paul, ancien membre du congrès américain, figure du Libertarian Party et candidat malheureux à deux élections présidentielles a crié au « false flag ».

Un false flag (en français : faux drapeau) est une opération ou attaque menée par un service secret domestique ou « ami » destinée à accuser une tierce partie afin de pousser l’opinion publique à approuver et soutenir certaines politiques gouvernementales, souvent guerrières ou liberticides.

En réalité, on ne peut véritablement parler de false flag que des mois, sinon des années après que l’opération terroriste ait eu lieu. Le temps d’analyser tous les documents disponibles,
de vérifier et contre vérifier les témoignages, de recouper des évènements qui, a priori, n’ont pas de rapport direct entre eux… Un vrai travail de fourmis, impossible en quelques jours. Ce qui veut dire que, malgré certains faits troublants comme le suicide du commissaire Helric Fredou, l’un des officiers de police chargés de l’enquête sur l’attentat contre Charlie Hebdo la nuit même du drame, toutes les théories actuellement en circulation sont pour le moins farfelues.

Pourtant, un détail important a été largement passé sous silence ou tout simplement ignoré, autant par les médias que par les apprentis Mulder & Scully. Un détail de loin plus troublant que toutes les prétendues preuves qui font le buzz sur la toile.

Revenons sur cette matinée tragique et revoyons le déroulement des événements, que remarquons-nous ? Un commando armé et cagoulé entre dans les locaux de Charlie Hebdo, assassine froidement dessinateurs, chroniqueurs et employés, puis s’en va en criant « Allahou Akbar », « on a tué Charlie » et « on a vengé le prophète Mohammad ». Mais, selon tous les témoignages disponibles, les terroristes n’ont pas touché à une seule des caricatures du Prophète, pourtant accrochées aux murs un peu partout dans les bureaux de l’hebdomadaire, comme le montrent les nombreuses photos et images largement diffusées depuis le jour de l’attentat.

Donc : des islamistes fanatiques, des jihadistes formés et entrainés par Al Qaeda, venus venger le Prophète et punir ceux qui l’ont offensé, n’ont décroché, déchiré, brulé ou piétiné aucun des dessins qui le représentent, alors que ces dessins sont la raison même de leur colère et de l’action punitive qui en a découlé…

Pour comprendre l’importance de ce détail, il faut savoir à quel point la destruction de l’objet de l’offense est primordiale pour les islamistes. Il ne suffit pas de punir ceux qui ont offensé mais il faut aussi détruire l’objet qui a permis à l’offense d’exister, même de façon symbolique. Et ce, quelle que soit l’offense et quel que soit l’objet du délit. Comme le montrent la destruction des Bouddha géants par les Talibans en Afghanistan, celle des mausolées de Tombouctou au Mali par Ansar Eddine, ou encore celle, systématique, de tout symbole impie par Daech en Irak et en Syrie. Sans oublier les livres de Salman Rushdie brulés en place publique ou les innombrables drapeaux piétinés pendant des manifestations à travers le monde musulman.

Alors pourquoi les membres du commando qui a attaqué Charlie Hebdo n’ont pas suivi cette règle ? Pourquoi n’ont-ils pas touché aux dessins/objets de l’offense présents en quantité dans les locaux du journal ? Même si on met cette règle de côté, la réaction la plus élémentaire, surtout de la part de fanatiques venus pour en découdre, n’aurait-elle pas été de réagir violement à la vue des caricatures et, au moins, de les arracher des murs ? Comment croire qu’ils ne l’ont pas fait par manque de temps, alors que toutes les images qui passent en boucle les montrent peu pressés de fuir ? Comment croire que, dans le feu de l’action, ils n’aient pas pensé à le faire, alors que tous les témoignages parlent d’assassins froids et méthodiques ?

Face à un drame d’une telle ampleur, qui est non seulement l’attentat le plus meurtrier en France depuis plus de 50 ans, mais aussi l’inacceptable et effroyable massacre d’icones de la culture populaire française, inépuisables défenseurs de la liberté d’expression ; face également à la stigmatisation grandissante de la communauté musulmane, le doute quant à la véracité de la version officielle est comme un ver dans un fruit, sournois et fatal.

Malheureusement, si la version officielle était un scénario de film, il aurait été refusé par le plus novice des producteurs, vu le nombre important d’incohérences et zones d’ombres.

A l’heure où de plus en plus de musulmans de France semblent être séduits par la théorie du false flag, il est urgent et capital de faire l’entière lumière sur cet attentat monstrueux. Il y va de la cohésion nationale et peut-être, j’en ai bien peur, de la paix civile.


© Claude El Khal, 2015

 
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