Le Liban, les Arabes et les Juifs dans CHARLIE HEBDO


L’écrasante majorité des Libanais ne connaissait pas Charlie Hebdo.

Ou en avait vaguement entendu parler. D’où le premier élan de solidarité. Mais après la découverte de ses caricatures, le revirement d’opinion fut radical, presque brutal.

À peine quelques jours après l’attaque terroriste qui a coûté la vie à plusieurs dessinateurs et chroniqueurs du journal satirique, il ne restait plus beaucoup de Libanais qui étaient Charlie.

Pourtant Charlie Hebdo a beaucoup parlé du Liban, et ce depuis les années 70. Il a été l’un des premiers à avoir dénoncé le danger que risquaient les chrétiens du Liban, alors que tous les médias de l’époque parlaient d’une guerre entre « islamo-progressistes » et « chrétiens de droite » ! Cette couverture dessinée par Reiser prophétisait aussi en quelque sorte ce qui allait advenir des chrétiens d’Orient, en Irak et en Syrie. Charlie a aussi été l’un des premiers à dénoncer la machine à fric qu’était devenue la guerre du Liban, alors que le discours mainstream de ces années-là continuait à nous parler de guerre de religions. Et c’était Wolinski, assassiné le 7 janvier dernier, qui avait signé cette couverture.

Depuis, le Liban a fait l’objet de nombreuses couvertures de Charlie Hebdo.


Celle ci, datant de 2006, en est un bel exemple. Mais il y a aussi une couverture que j’ai longtemps, très longtemps hésité à publier. Pour l’instant, j’ai préféré ne pas le faire (mea culpa) parce que je sais qu’elle risque de soulever un tollé au pays du cèdre et, aujourd’hui, Charlie n’a vraiment pas besoin de ça. Surtout que le dessin est de Cabu, lui aussi assassiné le 7 janvier dernier. Et franchement je n’ai pas la force de répondre à tous les cons qui pourraient salir sa mémoire.

Evidement, le Liban n’a pas été le seul au Moyen Orient à avoir l'honneur d'une couverture de Charlie. Tout et tout le monde y est passé, si j’ose dire. Du Shah d’Iran à la crise du pétrole. De la mort du roi Fayçal aux accords de Camp David avec ce dessin de Carali, dessinateur d’origine libanaise : « un bicot lèche le cul d’un youpin » qui a valu à Charlie d’être trainé devant les tribunaux pour racisme et antisémitisme.


 
Le conflit israélo-arabe a bien sûr eu lui aussi sa part de lion, surtout avec ce magnifique dessin de Gébé : « Les morts ont perdu la guerre ».

Depuis la parution des caricatures du Prophète, Charlie Hebdo a été accusé de faire dans le deux poids deux mesures, d’oser se moquer des musulmans mais jamais des juifs, d’oser rire de l’Islam mais jamais de la Shoah. Voici quelques couvertures qui prouvent que c’est un odieux mensonge, dont ce dessin de Gébé (encore lui) : « Le tournage d’Holocauste », d’une cruauté inouïe.

  

Tous ceux qui crachent sur Charlie ne connaissent pas vraiment Charlie, ne savent rien des combats successifs qu’il a mené ni des risques hallucinants, souvent peut-être inconscients, que ses nombreux dessinateurs et chroniqueurs ont pris au fil des ans pour que la liberté d’expression soit totale et sans limites, et surtout, tous ceux-là ne semblent rien comprendre à la satire, à l'humour noir et au second degré.


© Claude El Khal, 2015

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