Farewell My Lovely


C’est mon dernier post en français.

Le français est non seulement ma première langue (jusqu’au début de la guerre, on parlait exclusivement français à la maison), mais aussi et surtout celle avec qui j’ai une vieille passion amoureuse.

J’en suis tombé amoureux très tôt. Dans les livres, dans les films, sur les planches des théâtres, et même parfois sur les murs des villes. Ma passion fut si dévorante qu’il ne me suffisait plus de la lire et de l’entendre, il me fallait l’écrire. Pour que ma passion devienne charnelle, pour qu’elle et moi puissions nous toucher, nous caresser, et tenter ensemble de nous sublimer.
 
Depuis la publication de mes premiers articles en 1990, jusqu’à l’explosion de mon blog - majoritairement francophone (plus de 4.800.000 vues), en passant par la publication de mon petit roman “Flemme” en 2005, puis celle de mes “Chroniques de Beyrouth et d’ailleurs” en 2012, et bien sûr par mes films (deux de mes trois courts-métrages sont en français, dont le dernier est allé se promener au festival de Cannes en 2010), j’ai consacré la quasi-totalité de mon temps à cette langue que j’aimais si profondément.
 
Pourtant, durant toutes ces années et jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais reçu la moindre aide de la francophonie officielle, autant au Liban qu’en France. Pire: non contente de m’ignorer, elle m’a combattu. Elle a œuvré à me faire taire, à m’exclure, à m’empêcher, et finalement à m’annuler. Si la reconnaissance publique fut importante, notamment sur mon blog et sur les réseaux sociaux, et s’est traduite par un dialogue passionnant et souvent passionné avec mes lecteurs, la reconnaissance officielle ne s’est exprimée que par le refus, l’exclusion, la censure et l’interdit. Parfois même par la délation et la calomnie.

Ma belle histoire avec la langue française s’est transformée en relation toxique, oppressante, destructrice. Pour survivre, il me faut la quitter. Pour continuer à m’exprimer, il me faut aimer ailleurs.
 
Ça me peine, évidemment. Mais comment faire autrement? Quand la langue que je croyais être celle de la liberté se transforme en geôlière, que faire d’autre sinon lui échapper?
 
Désormais, je n’écrirai plus qu’en anglais. Et peut-être aussi un jour, qui sait, en arabe.

© Claude El Khal, 2023